Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
Vom Netzwerk:
était faite de
longue date sur la Serbie, « ce pays endetté jusqu’au cou, plein de
régicides et de voyous [14]  »,
comme il le décrivait fréquemment.
    Depuis longtemps, les Hongrois voyaient d’un mauvais œil ces
idées de trialisme et d’« États-Unis d’Europe centrale ». Il était
irresponsable d’énoncer de telles fadaises et d’encourager la montée en
puissance des Slaves du Sud. L’influence hongroise sur la Transylvanie comme
sur la Croatie catholique s’en trouverait tôt ou tard menacée. Comment
pouvait-on faire confiance aux Slaves, ces barbares incontrôlables
qui auraient tôt fait de ruiner l’Empire ? Des barbares
soutenus et manipulés par la Russie, cette éternelle rivale de
l’Autriche-Hongrie.
    Plus d’une fois, le comte Tisza avait tenté d’amorcer un
dialogue avec François-Ferdinand. Celui-ci n’en avait jamais voulu. Même dans
ses bons jours, il ne pouvait souffrir le Hongrois qui n’était à ses yeux qu’un
parvenu dangereux. Il le tenait en grande partie responsable de la
détérioration des liens entre Vienne et Budapest.
    Si les Magyars étaient inquiets, les conservateurs viennois
l’étaient tout autant. Dans le passé, ils s’étaient déjà irrités des projets
libéraux de l’archiduc héritier Rodolphe, le propre fils de l’empereur. Mais
Rodolphe était brouillon et indécis. Avec François-Ferdinand, l’affaire était
autrement plus sérieuse et réfléchie.
    L’archiduc héritier passait pour un être difficile à cerner
donc inquiétant. Un homme de rupture, à l’évidence, partisan des remèdes de
cheval, les seuls capables selon lui de guérir l’Empire. Plus lénifiante était
l’image de François-Joseph. Le vieux monarque connaissait son Empire mieux que
quiconque. Il le savait trop fragile et complexe pour être brusqué.
    Plus grave encore, François-Ferdinand passait pour un
liquidateur. Le dogme de l’Allemagne, alliée naturelle de Vienne ?
L’archiduc faisait moyennement confiance aux Protestants. L’axiome d’une
Russie, adversaire traditionnelle de l’Autriche ? François-Ferdinand
refusait d’être regardé comme un ennemi du tsar. Il souhaitait même s’en
rapprocher afin de préserver cette paix si vitale à l’Empire. Il irait jusqu’à
l’écrire : « Je ne ferai jamais la guerre contre la Russie. Je ferai
tous les sacrifices pour l’éviter. Une guerre avec la Russie serait notre perte [15] … »
     
    En ce début d’été 1914, dans cette nouvelle crise
européenne qui se déclarait, François-Ferdinand eût été sans doute un des
remparts les plus solides contre la guerre. Par un destin funeste, il venait
d’être éliminé brutalement et de sa disparition même procédait la crise.
    *
    À Baden, station balnéaire romantique toute proche de
Vienne, l’écrivain Stefan Zweig dévorait fiévreusement le Tolstoï et
Dostoïevski de l’essayiste russe Dimitri Merejkovski. À l’écart de la foule
qui avait investi les abords du kiosque à musique, il écoutait d’une oreille
distraite les mélodies viennoises que distillait l’orchestre. Il émergea de sa
douce rêverie lorsque les musiciens s’interrompirent tout à coup. Des gens
s’empressèrent bientôt autour d’une affiche qu’on venait d’apposer.
    Encadrée de noir, l’affiche informait que Son Altesse
impériale, François-Ferdinand, et son épouse venaient d’être assassinés en
Bosnie. Les estivants se communiquaient de proche en proche cette nouvelle
stupéfiante. Sur leurs visages aucune trace de consternation ou d’amertume.
Deux heures après, ces mêmes gens bavardaient bruyamment et riaient à gorge
déployée. Tard le soir, on entendit de nouveau de la musique dans les salons.
Ce n’était pas une atmosphère de deuil.
    Plus tard, Stefan Zweig nota : « François-Ferdinand
manquait de ce qui est le plus important en Autriche pour se faire une
véritable popularité : l’amabilité, le charme de la personne et les
manières sociables [16] . »
    Dans le parc luxuriant de Baden, ce 28 juin, l’écrivain
reprit le fil de sa lecture qui lui paraissait plus importante que les affaires
des grands de ce monde. Ce n’était pas l’opinion d’Alexander von Musulin,
chef de la Chancellerie du ministère des Affaires étrangères, qui résidait à
deux pas de là, au Zum Grünen Baum Hotel. Il plia bagage et retourna à Vienne
sur-le-champ.
Belgrade, 28 juin, 15 h 35
    Apis n’en revenait pas. Apis – le

Weitere Kostenlose Bücher