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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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gouvernement
Pasic.
    Depuis les guerres balkaniques, l’opinion du comte von Hartwig
était faite. La guerre finirait tôt ou tard par éclater. Peut-être le grand
moment venait-il d’arriver.
    Quelques heures plus tard, Hartwig donna une réception à
tout casser à sa résidence. Dans la chaleur tombante de cette journée d’été,
l’ambassade russe prit des allures de fête.
Paris, 28 juin, 15 h 50
    La plus belle capitale du monde. Des hôtels particuliers de
Passy aux brasseries de Montparnasse, la vie y était riche et insouciante. Sur
les grands boulevards, les gens raffinés étalaient leur aisance avec une touche
de désinvolture classieuse. À Auteuil, les élégantes rivalisaient de chapeaux à
voilette et de mousselines diaphanes.
    Piétinant sans ménagement le bon goût classique, la mode
apurait les formes et amincissait les silhouettes. La mode selon Paul Poiret,
le nouveau prophète qui avait eu l’audace suprême d’abolir le corset féminin.
« Poiret le magnifique » qui, dans son hôtel particulier de l’avenue
d’Antin, organisait des fêtes féeriques comme cette fameuse Mille et
deuxième nuit encore dans toutes les mémoires.
    Des cafés chics aux restaurants raffinés des beaux quartiers
où l’on donnait des soupers fins, la Belle Époque rendait hommage à cette
nouvelle révolution parisienne du bon goût. Bien sûr, il y avait ce tango, venu
d’Argentine, dont la sensualité troublante jetait la consternation dans les
familles. Mais on ne doutait pas que les gens comme il faut sauraient y mettre
bon ordre.
    En cet ultime dimanche de juin, le lieu de rassemblement
désigné de la haute société était l’hippodrome de Longchamp. Pour les femmes,
l’endroit idéal pour se pavaner ou jalouser la robe aux imprimés audacieux de
la voisine. Au pesage, les hommes n’avaient d’yeux que pour les pur-sang qui
s’apprêtaient à disputer le Grand Prix de Longchamp.
    L’apothéose de la saison. Dotée de quatre cent mille
francs-or, la course reine attirait les plus grands cracks du galop. Le favori
était Sardanapale, dont le propriétaire était Maurice de Rothschild. Son
concurrent le plus sérieux était LaFarina , le préféré d’un autre
Rothschild, le baron Edmond. Du beau monde dans les allées, tweeds recherchés,
fragrances précieuses et arômes voluptueux de havanes. Comme chaque année, le
président de la République honorait le Grand Prix de sa présence, en habit,
haut-de-forme et grand cordon rouge de la Légion d’honneur. À ses côtés, de
nombreux ministres ainsi que les représentants du corps diplomatique.
     
    De près comme de loin, Raymond Poincaré ne ressemblait ni à
Armand Fallières, ni à Émile Loubet, ses prédécesseurs immédiats au palais de
l’Élysée. Ce Lorrain de cinquante-quatre ans détestait viscéralement la vie de
représentation et de mondanités. De pures niaiseries à ses yeux. Et cela se
voyait ! De sa loge présidentielle à Longchamp, il promenait sur cette
assistance colorée et sophistiquée son teint blafard et son air triste de
notaire de province.
    Les chevaux et leurs jockeys, aux casaques et toques
bariolées, sortirent des paddocks. L’heure était venue. Les belles cessèrent
leurs minauderies. Les messieurs se précipitèrent sur leurs jumelles. Soudain,
un aide de camp en uniforme accourut dans la loge du président pour lui remettre
une dépêche de l’agence Havas. Sans un mot, Poincaré en prit brièvement
connaissance.
    Les traits pincés du chef de l’État se figèrent encore
davantage lorsqu’il tendit la dépêche au comte Nikolaus Szecsen de Temerin,
l’ambassadeur d’Autriche-Hongrie à Paris. Poincaré fit mine de s’intéresser
poliment à la suite de la réunion hippique. L’esprit ailleurs, il applaudit du
bout des doigts la victoire sur le fil de Sardanapale, aux couleurs jaune et
verte, dans le Grand Prix. Il y avait déjà un moment que l’ambassadeur Szecsen
avait pris congé du président et quitté précipitamment le champ de courses.
    *
    Ville de garnison dans le nord de la France, Arras abritait
le 33 e  régiment d’infanterie. Quoi de plus tranquille qu’une
caserne de province le dimanche, même en ce 28 juin ? Un jeune
officier saint-cyrien à l’allure dégingandée était plongé dans ses lectures
dominicales. La bibliothèque municipale de l’ancienne abbaye de Saint-Vaast,
toute proche, regorgeait de livres d’histoire retraçant l’épopée des armées

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