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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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révolutionnaire, qui revenait de Bruxelles où
s’était déroulée la réunion du bureau de l’Internationale, n’eut pas trop le
loisir de s’attarder sur le patriotisme des Viennois. En tant qu’émigré russe,
il était directement menacé. Le matin même, il s’était rendu à la rédaction du
quotidien viennois Arbeiterzeitung pour demander conseil aux socialistes
autrichiens. On lui avait appris l’assassinat de Jaurès. Impassible, le vieux
Victor Adler préparait tranquillement les prochaines échéances du parti. Scène
irréelle.
    Une heure plus tôt, on avait fait rencontrer à Trotsky le
chef de la police politique, un certain Geyer. Celui-ci avait paru
ennuyé :
    — Il est bien possible que je reçoive bientôt l’ordre
d’internement des Russes et des Serbes.
    — Vous me recommandez donc de partir, c’est bien
ça ?
    — Le plus vite sera le mieux.
    — C’est bon. Je pars demain, avec ma famille, pour la
Suisse.
    — Euh… Tous comptes faits, je préférerais que vous
partiez aujourd’hui [345] .
    À 18 h 10, la famille du révolutionnaire russe au
grand complet s’embarqua dans le train en partance pour Zurich. Celui que
Lénine surnommait dix ans plus tôt la « Plume » laissait derrière lui
sept années de relations personnelles, des livres, des archives, des
manuscrits. Et un début de polémique avec le P r  Tomas Masaryk
sur les destinées de la culture russe.
Paris, 3 août, 18 h 15
    — C’est inadmissible, monsieur le Président ! Un
homme vient de sauter sur le marchepied de mon automobile ! Mon empereur
vient d’être insulté et moi avec [346]  !
    Face à René Viviani et Pierre de Margerie, l’ambassadeur von Schoen
affectait l’indignation. Sur le chemin du Quai d’Orsay, où il se rendait pour
la dernière fois, il avait été pris à partie par une foule menaçante. Le diplomate
exagérait bien sûr son émotion afin d’en tirer prétexte. Rien que de très
naturel dans tout cela. Nullement dupé, le chef du gouvernement français
s’empressa de mettre fin à cette diversion :
    — Je vous présente mes regrets et mes excuses. Mais
êtes-vous venu ici uniquement pour me dire cela [347]  ?
    Von Schoen hocha la tête négativement. Là n’était plus
la question, en effet. Il paraissait totalement vidé de ses forces. L’entrée
des troupes en Belgique lui avait porté un coup fatal. Sa propre femme était belge.
Quelques heures plus tôt, il en était encore convaincu :
    — Les Belges et le roi Albert en tête feront la haie
pour regarder passer notre formidable machine de guerre. Nous n’empiéterons
d’ailleurs qu’un tout petit bout de leur territoire [348] …
    Maintenant il ne savait plus ou, plus exactement, il ne
savait que trop. Le moment décisif était arrivé.
    L’ambassadeur se plaignit d’une attaque aérienne que l’armée
française aurait lancée quelques heures auparavant sur Nuremberg. Il répétait
mot pour mot, mécaniquement, les instructions qu’il avait apprises :
    — Le télégramme que j’ai reçu de mon chancelier a été
brouillé. J’ai cru comprendre de la partie non déchiffrable que des actes
d’hostilité graves avaient également été commis par la France à la frontière
alsacienne [349]  !
    Margerie ne perdit pas son calme :
    — Ceci est en effet fâcheux. Sachez que les télégrammes
qui nous parviennent de M. Cambon à Berlin sont aussi très souvent
brouillés. Serait-ce à dire que nous brouillerions également nos propres
messages [350]  ?
    Viviani prit le relais :
    — Toutes ces allégations sur des soi-disant agressions
aériennes ou violations de frontières sont sans fondement. Ce ne sont que des
inepties [351] .
    Schoen ne réagit pas. Il est vrai qu’il n’y avait plus rien
à discuter. Il prit son ton le plus solennel pour réclamer ses passeports.
Viviani n’en fut pas surpris. Quelques minutes auparavant, il avait reçu un
appel téléphonique de l’ambassadeur américain Myron Herrick le prévenant que
Schoen venait de lui demander de prendre en charge les intérêts allemands.
     
    Plus ému que courroucé, le diplomate allemand finit par
prononcer la phrase fatidique :
    — Je suis chargé de faire connaître à Votre Excellence
qu’en présence de ces agressions, l’Empire allemand se considère en état de
guerre avec la France [352] .
    Tout était dit. Viviani demanda à Margerie de raccompagner
l’ambassadeur dans les formes jusqu’à sa

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