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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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satisfaction sur-le-champ.
    Au Reichstag ce 4 août, l’orage gronda et des trombes
d’eau s’abattirent sur la capitale prussienne. Le temps se mettait à l’unisson
de la politique. Le vote des crédits de guerre, qui se montaient à cinq
milliards de marks, ne fut qu’une formalité vite expédiée. Les députés du SPD
les votèrent comme le reste du Parlement. Quelques instants plus tard,
Guillaume II pénétra en grande pompe dans la Salle blanche du vieux
palais, accompagné de son chancelier qui avait revêtu pour la circonstance son
uniforme de dragon. Coiffé de son casque à pointe, la main gauche sur la garde
de son sabre, le Kaiser s’adressa à la postérité :
    — Nous tirons notre épée, la conscience pure et les
mains nettes. À dater de ce jour, je ne connais plus les partis. Je ne connais
que des Allemands [356]  !
    Des salves d’applaudissements nourris, ponctués de Hoch !
Hoch ! saluèrent les propos impériaux. Il incombait à Bethmann-Hollweg
d’informer les députés, qui l’ignoraient encore, de l’entrée des troupes
allemandes en Belgique.
    — Nous ne pouvions plus attendre, c’était une nécessité
militaire. Je vous le dis franchement, notre invasion de la Belgique est
contraire au droit international. Mais nous réparerons dès que possible ce tort
infligé aux Belges [357] .
    Lorsqu’il eut connaissance de la déclaration du chancelier,
l’amiral von Tirpitz se fit l’interprète de l’état-major militaire :
    — Jamais un homme d’État allemand n’aura proféré
pareille stupidité [358]  !
    Lorsqu’il en eut connaissance, quelques heures plus tard, le
prince von Bülow eut la même réaction que Tirpitz, presque mot pour mot.
    Le lendemain à Vienne, l’ Arbeiterzeitung salua le
vote du Reichstag comme « le jour de la plus fière et de la plus
formidable exaltation de l’esprit allemand ». De son exil galicien de
Ponorin, Lénine refusa d’en croire ses yeux lorsqu’il tomba sur l’édition du Vorwärts ,
datée du 5 août, qui annonçait le vote des sociaux-démocrates au
Reichstag. Il s’écria aussitôt :
    — C’est impossible ! Sûrement un
faux fabriqué de toutes pièces par la canaille bourgeoise allemande [359]  !
    À Zurich où il venait de trouver refuge, Léon Trotsky fut
moins incrédule. Les sociaux-démocrates, autrichiens ou allemands, il les avait
déjà pratiqués. Depuis longtemps, il ne nourrissait plus d’illusions sur ceux
qu’il n’appellerait plus désormais que les « social-traîtres ».
Trotsky se lança aussitôt dans la rédaction d’un essai intitulé La guerre et
l’Internationale . Il ne lui faudrait que deux mois pour l’écrire.
Paris, 4 août, 15 h 50
    Après avoir traversé les quartiers ouest de Paris, la
dépouille mortelle de Jean Jaurès atteignit la gare d’Orléans. De là, elle
serait acheminée à Albi pour y être inhumée au cimetière des Planques.
    Dès le matin, un attroupement monstre s’était formé au coin
de l’avenue Henri-Martin, dans le XVI e  arrondissement, où avait
été dressé le catafalque. Des milliers de gens, anonymes pour la plupart, étaient
venus rendre un ultime hommage au chef socialiste. En tête de cette foule
immense, les autorités de la République représentant le gouvernement et les
chambres. Des ministres, des syndicalistes, les leaders de la gauche socialiste
au grand complet, des responsables politiques de tous bords y compris de
l’opposition nationaliste.
    Devant le cercueil du grand tribun recouvert de tricolore,
le secrétaire général de la CGT Léon Jouhaux avait prononcé un discours
bouleversant :
    « Jaurès a été notre réconfort dans notre action
passionnée pour la paix. Ce n’est pas sa faute si la paix n’a pas triomphé,
c’est celle des empereurs d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie. Nous prenons
l’engagement de sonner le glas de vos règnes. Avant d’aller vers le grand
massacre, cet engagement, je le prends au nom des travailleurs qui sont partis
et de ceux qui vont partir [360] … »
    Pour Jouhaux comme pour la plupart des chefs socialistes,
l’assassinat de Jaurès marquait la fin d’une époque, celle du rêve et d’un
certain lyrisme. Les dures réalités avaient fini par prévaloir et il en avait
été la première victime. Il fallait désormais parer au plus pressé, la défense
de la patrie et l’avenir de la nation.
    Le ralliement de la gauche socialiste fut aussi massif que
spontané. Le

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