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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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voiture. Ce dernier parut presque
soulagé d’un poids trop lourd pour lui. Dans les mots d’adieu de l’Allemand, le
Français crut entendre le mot de « suicide ». Suicide de
l’Europe ?
     
    Le lendemain, Wilhelm von Schoen prit place dans le
wagon-salon du train spécial qui le ramenait en Allemagne via la Belgique. À
son arrivée à Berlin, le commandant de la gare ordonna de faire saisir le train
et d’emprisonner les deux conducteurs français. L’ambassadeur dut revêtir son
uniforme de colonel pour l’en dissuader. Plus tard, grâce à l’intervention
personnelle du chancelier, il obtiendrait le rapatriement du train.
Bruxelles, 4 août, 6 h 00
    L’ultime représentation du ministre d’Allemagne en Belgique.
Face au rejet par celle-ci des propositions de bonne foi exposées par Berlin,
le Reich était contraint de prendre des mesures pour assurer sa sécurité. Telle
était du moins la version officielle car ni le ministre lui-même, Karl-Konrad von Below,
ni son premier secrétaire Wilhelm von Stumm n’y accordaient le moindre
crédit.
    Peu après, se rendant à la légation allemande pour y prendre
en charge les intérêts du Reich, l’ambassadeur américain Brand Whitlock trouva
les deux diplomates prostrés dans leur fauteuil. Autour d’eux, tous les
employés de la légation s’activaient pour préparer leur départ. Below, celui
qui en avait tant vu dans son existence, ne put que répéter tel un
automate :
    — Les pauvres fous ! Quelle idiotie de résister,
ils vont être écrasés [353]  !
    L’armée allemande ne perdit pas de temps. Deux minutes après
huit heures, une unité légère franchit la frontière belge à hauteur du petit
village de Gemmerich. C’était l’avant-garde des forces placées sous le
commandement du général Otto von Emmich. Celles-ci comprenaient trois
divisions de cavalerie et six brigades d’infanterie augmentées de pièces
d’artillerie. Objectif désigné : Liège.
    Il était neuf heures lorsque le roi Albert, en uniforme
kaki, se rendit à cheval au Parlement par la rue Royale. Des acclamations
prolongées saluèrent le souverain. Aux députés rassemblés, le roi ne posa
qu’une seule question à l’issue de sa courte allocution :
    — Messieurs, êtes-vous indéfectiblement décidés à
conserver intact le legs sacré de nos pères [354]  ?
    Les députés se levèrent de leur banc comme un seul homme. Un
rugissement sourd d’approbation et de fidélité répondit au vaillant souverain
qui exhortait à la résistance.
Berlin, 4 août, 15 h 00
    Les lecteurs assidus du Vorwärts , l’organe du parti
social-démocrate allemand, restaient sur l’idée de cet article volontariste
dans lequel il était écrit : « Pas une goutte de sang d’un soldat
allemand pour assouvir les ambitions criminelles du tyran autrichien. Nous ne
demeurerons pas dans une impassibilité fatale au cours des événements qui
s’approchent. »
    C’était il y a trois jours. À présent, la situation était
tellement différente pour les dirigeants du SPD ! Représenter plus de
4 200 000 électeurs, le quart des députés au Reichstag, était sans
doute impressionnant mais insuffisant pour prétendre inverser le cours des
choses. Insuffisant pour faire la révolution, insuffisant également pour
empêcher la guerre.
    Qu’elle était déjà loin cette rencontre du 29 juillet
au cours de laquelle Jean Jaurès promettait à Hugo Haase de tenir bon !
Désormais, on exhumait telle ou telle citation d’August Bebel et même de Karl
Marx appelant à la guerre contre la Russie des tsars. Et puis, quoi ! Les
Russes avaient bel et bien mobilisé les premiers ! Et les Français, de
leur côté, n’étaient-ils pas en train de porter atteinte au Vaterland  ?
Des rapports officiels de l’armée l’attestaient.
    Pour les socialistes allemands, la guerre était devenue
légitime. Comment, dans ces conditions, refuser le vote des crédits de
guerre ? Lors de leur réunion houleuse de la veille, ils s’étaient donné
bonne conscience en votant une clause restrictive : « Aussitôt que la
guerre deviendra une guerre de conquête, nous nous dresserons contre elle de la
façon la plus énergique [355] . »
Les motions de ce genre ne coûtent pas cher. Lorsque, le soir même, les
dirigeants du SPD avaient soumis respectueusement cette formule au chancelier
Bethmann-Hollweg, ce dernier avait demandé qu’elle soit retirée. Il avait
obtenu

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