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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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vieux marxiste Jules Guesde fut l’un des premiers à s’y résoudre
en compagnie du jauressiste Marcel Sembat. Le journal de Gustave Hervé, La
Guerre sociale , titra à la une : « Défense nationale
d’abord ! Ils ont assassiné Jaurès, nous n’assassinerons pas la
France ! » La publication anarchiste Le Bonnet rouge lui
emboîta le pas : « Jaurès est mort ! Vive la France [361]  ! »
    Ici, on apprenait que l’écrivain Henri Barbusse, qui n’avait
plus l’âge d’être incorporé et qui souffrait en plus de bronches fragiles,
avait demandé à être « compté parmi les socialistes antimilitaristes qui
s’engagent volontairement [362]  ».
Là, on citait le philosophe Henri Bergson qui venait de déclarer à l’Académie
des Sciences morales et politiques : « La lutte engagée contre
l’Allemagne est la lutte même de la civilisation contre la barbarie [363] . »
    À l’autre bout de Paris, boulevard de Sébastopol, boulevard
de Magenta et dans les quartiers populaires de la gare du Nord et de la gare de
l’Est, des soldats commençaient à affluer de toutes les régions de France. Sur
les trottoirs, quelques badauds les interpellaient avec sympathie :
    — Ne vous en faites pas ! Vous serez rentrés dans
vos foyers avant la fin des moissons.
    La guerre ne pouvait qu’être courte. Les gens de finance
eux-mêmes le prédisaient : les belligérants ne pouvaient se permettre le
luxe d’un conflit long de plusieurs années. L’économie faisait loi. D’aucuns
affichaient néanmoins un certain scepticisme. Avant la fin des moissons
peut-être pas mais avant Noël, sûrement.
    Pantalon rouge garance et capote bleue, les hommes
défilaient un peu gauchement dans les rues pavées de la capitale sous les
acclamations et les vivats. Ce n’était pas la fleur au fusil ou un enthousiasme
guerrier débordant. Seulement cette détermination, presque obstinée, qui avait
forgé dans le passé les soldats de l’an II et de Valmy. Ce n’était pas
rien.
    Déjà, dans les gares, les attendaient des wagons qui les
conduiraient sur les théâtres de leurs futurs exploits. Sur certains d’entre
eux avait été inscrit à la peinture fraîche : « À Berlin ! Mort
aux Boches ! »
    Ailleurs, dans Paris, on saccageait de bon cœur les
boutiques Hauser dont le nom germanique paraissait suspect. Comme d’habitude,
l’expression d’un patriotisme sans risque faisait florès. Plus loin encore, les
épargnants angoissés faisaient le siège des banques, espérant récupérer leurs
économies. Dans le quartier Montparnasse, des manifestants défilèrent devant la
brasserie la Rotonde aux cris de « Mort aux traîtres ! » Le
célèbre établissement était l’un des repères supposés des artistes, des
cosmopolites et des anarchistes : en d’autres termes, de tout ce qui
n’était pas au goût du jour.
    *
    À la Chambre des députés s’ouvrit une séance exceptionnelle.
Le public qui garnissait les tribunes, tout en haut de l’hémicycle, ne s’y était
guère trompé.
    Un à un, tous les parlementaires gagnèrent leur banc dans un
silence de cathédrale. Il était seize heures passées lorsque le président de la
Chambre, Paul Deschanel, s’installa avec précaution au « perchoir »,
dans le majestueux fauteuil curule frappé de bronze.
    Devant tous les députés debout, Deschanel prononça un bref
hommage à la mémoire de Jean Jaurès. Ce qui, en d’autres temps, eût été
l’événement de la séance et même de la session parlementaire, n’était en cet
instant qu’un simple aspect de l’ordre du jour. Sans plus tarder, le président
de la Chambre donna la parole au chef du gouvernement.
    Les quelques mimiques goguenardes dans l’assistance
cessèrent dans l’instant. Nerveux, grave, René Viviani ne prêtait plus à
sourire. Pour la première fois peut-être, il faisait corps avec sa fonction.
Embrassant l’hémicycle de son regard bouleversé, le chef du gouvernement
prononça de l’avis général un des meilleurs discours de toute sa carrière.
    D’un ton didactique, Viviani décrivit les raisons de
l’entrée en guerre de la France, expliquant au passage la portée des accords
passés avec les Russes. Il informa également l’assemblée des agissements des
troupes allemandes en Belgique. Loin d’être une lubie, cette guerre était une
nécessité impérieuse pour la France. De son issue dépendait rien de moins que
le sort de la nation tout

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