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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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entière.
    De droite ou de gauche, tous les députés applaudirent
debout. Ils ne se rassirent pas alors que Viviani donnait lecture d’un message
du président de la République. Par tradition constitutionnelle, le chef de
l’État ne pouvait se rendre ès qualités au Parlement. Le manifeste de Poincaré
s’achevait par ces mots : « Dans la guerre qui s’engage, la France
sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant
l’ennemi l’Union sacrée [364] . »
    Union sacrée ! L’expression était lâchée. Elle fut
préférée d’enthousiasme à celle, plus banale, de « trêve des
partis ». Pour une fois, Clemenceau dut reconnaître que Poincaré avait
« résumé en termes concis et forts tout ce qu’il fallait dire ».
Encore sous le charme, Maurice Barrès écrirait de son côté dans L’Écho de
Paris  : « Quand je me retourne vers les mois passés qui furent
remplis de tant d’ignominie, je me dis : comment de ce cloaque est donc
sortie cette France si pure [365]  ? »
    *
    Dans la traîne du tragique, le comique ne perd jamais tout à
fait ses droits. À peine avait-il prononcé son si remarquable discours à la
Chambre que René Viviani recevait au Quai d’Orsay Adolphe Messimy, le ministre
de la Guerre, et Armand Gauthier, son collègue de la Marine. Médecin de son
état, ancien condisciple de Joffre au lycée de Carcassonne, ce dernier ne
devait son poste qu’à la démission brutale de son prédécesseur, évincé par un
scandale politique.
    Le brave D r  Gauthier était rétif à la chose
navale. Son incurie était de notoriété publique. L’avant-veille, dans
l’affolement, il avait oublié de donner l’ordre à des torpilleurs d’aller
prendre position dans la Manche. La flotte de Méditerranée, par contrecoup,
avait pris du retard en se repliant de Toulon vers l’Afrique du Nord, ainsi
qu’elle en avait reçu mission. Constatant le ratage, le D r  Gauthier
s’en était évanoui d’émotion. Plus tard, Messimy n’avait pas manqué de le
tancer pour son inconséquence. Le ministre de la Marine, les nerfs à fleur de
peau, avait pris la mouche et menacé de lui envoyer ses témoins. Comme si
c’était le moment !
    Dans un rôle de conciliateur qui lui était si peu familier,
Viviani parvint à calmer les deux hommes. Le D r  Gauthier tomba
en larmes dans les bras de Messimy. Peu après, il donnait sa démission pour
raisons de santé et s’en retournait dans son cher département de l’Aude. Il fut
remplacé par le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts,
Jean-Victor Augagneur.
    À quelques bureaux de là, le sous-secrétaire d’État aux
Affaires étrangères Abel Ferry était en train de rédiger sa propre lettre de
démission. Le matin même, il en avait fait part en Conseil des ministres mais
sa demande avait été rejetée par Viviani :
    — Mon cher, par les temps qui courent vous serez
beaucoup plus utile ici que sur le front [366]  !
    Ce n’était guère l’avis de ce jeune ministre de trente-trois
ans. Quand on s’appelait Ferry, son devoir était d’aller se battre avec les
autres. En bon républicain. Bien sûr, il avait été réformé pour une tuberculose
pulmonaire contractée durant son service militaire. Mais, l’année précédente,
il avait usé de sa position ministérielle pour faire casser la décision de la
commission spéciale de Nice et il avait été affecté au 166 e  régiment
d’infanterie.
    La décision de Ferry était irrévocable. Sa démission finit
par être acceptée dans la soirée. Quelques heures plus tard, en plein Conseil
des ministres, Messimy écrivit une lettre à l’adresse du colonel du 166 e  R.I.
le priant de nommer le caporal Abel Ferry au grade de sergent sans délai. Il
termina sa lettre par ces mots : « Dans la lutte gigantesque dont il
faut que notre noble pays sorte victorieux, l’exemple d’Abel Ferry est de ceux
qui hausseront encore les courages [367] . »
    *
    Aux Communes, il était 16 h 15 lorsque le Premier
ministre Asquith donna lecture d’un message du roi George V. Le speaker de la Chambre en tête, tous les députés se levèrent pour écouter la
proclamation royale de la mobilisation. Il y était également question d’un
ultimatum adressé au Reich allemand. Le Royaume-Uni en attendait « une
réponse satisfaisante à minuit » au plus tard.
    Lorsqu’il prit connaissance de l’ultimatum de Londres,
Tirpitz s’écria hors de

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