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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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mains.
    Sir Robert Walpole
    Au matin du 5 août 1914, l’Europe sortit de sa
douce et fallacieuse torpeur. L’été était déjà terminé. Avec lui
disparaissaient la frivolité, l’insouciance liée à la Belle Époque ainsi qu’une
certaine idée du bonheur.
    Du jour au lendemain, le passé fut révoqué. Il avait suffi
de quelques menaces belliqueuses, d’une bonne dose de malentendus et d’une
somme invraisemblable de fausses manœuvres politiques. Il avait suffi d’une
crise de trente-sept jours gérée d’une manière exécrable. Trente-sept jours
d’imprudences et de négligences. Trente-sept jours d’atermoiements absurdes,
d’erreurs, d’illusions. Trente-sept jours d’une diplomatie le plus souvent
décalée ou à contretemps. Tout cela pour en arriver à cette apocalypse tant de
fois annoncée mais qu’on n’avait pourtant pas su voir venir.
    Seulement cela ? Évidemment non, les civilisations ne
sont pas mortelles pour si peu. Presque jusqu’au dernier moment, les erreurs
politiques alors commises, en dépit de leur nombre et de leur ampleur, étaient
réversibles. Tout en la jugeant inévitable, les leaders des grandes puissances
ne souhaitaient pas vraiment la guerre. Encore ne savaient-ils pas ce que
signifiait une guerre moderne. Personne ne le savait, d’ailleurs. Mais ils ne
voulaient pas davantage d’une paix bancale, convaincus au fond d’eux-mêmes
qu’il fallait en finir une bonne fois.
    Ce heurt singulier de négations fut source de sentiments
contradictoires. D’un côté, l’inéluctabilité d’une guerre qu’on pressentait.
D’un autre côté, le sentiment diffus qu’on pourrait en arrêter le cours au
dernier moment et que, dans le pire des cas, elle serait courte. Le résultat en
fut, chez les uns comme chez les autres, un déficit dans la volonté de paix et
de conciliation sur fond d’inconnu, ce terreau de l’irrésolution.
    Le pire était donc résistible n’était la fatalité qui fut
omniprésente dans cette affaire. Elle tint les fils de bout en bout, jusqu’à
l’absurde, pour infléchir les événements vers l’irrémédiable. La
fatalité ? Méprisant, Napoléon disait d’elle, naguère, qu’elle était
l’excuse des incapables et des maladroits.
    Évoquant le déterminisme, d’autres soutiendraient que la
crise fatale, quand bien même elle aurait été conjurée in extremis en
juillet 1914, se serait tout de même produite. Fin 1914, en 1915 ou 1916,
qui sait ?
     
    Les deux coups de feu de Sarajevo dans tout cela ? Un
point de départ, assurément, un déclencheur, un prétexte. Guère plus. Dans les
grandes catastrophes, on ne retient souvent que le spectaculaire des éléments
déclenchants. On s’attarde peu, en revanche, sur ces strates souvent invisibles
qui se juxtaposent patiemment et composent le décor de l’inéluctable.
    Cette guerre de 1914, elle était pourtant annoncée de longue
date. Elle était programmée dans la logique de celle de 1870 qui avait arraché
l’Alsace et la Lorraine à la France, plaçant la revanche en tête de l’agenda
politique franco-allemand. Elle était l’épée de Damoclès du système rigide des
coalitions, Triple-Entente contre Triple-Alliance. Un système à double tranchant,
soit verrou de stabilité soit porte ouvrant sur un conflit généralisé. Elle
était préfigurée par la course démentielle aux armements navals entre
l’Allemagne et l’Angleterre. Pis encore, elle avait été presque banalisée par
les prévisions optimistes des états-majors militaires. Une campagne
saisonnière, presque une guerre en dentelle et pantalon rouge de parade. À
peine plus qu’un exercice ou qu’un Kriegspiel .
    Cette Grande Guerre, Gavrilo Princip ne pouvait pas en être
tenu pour le premier responsable. Elle était déjà sur les rails bien avant
Sarajevo. Il eût fallu un chef de train exceptionnellement génial pour
détourner sur une voie de garage la locomotive devenue folle. D’homme de génie,
il ne s’en trouva point à la tête des puissances européennes. Il n’y eut que
des politiques honnêtes mais sans véritable esprit d’anticipation, des
diplomates compétents mais à courte vue, des intellectuels puissants mais sans
vision internationale. Probablement pas pires que leurs devanciers, pas
meilleurs non plus.
    Puisqu’il n’y eut manifestement pas de mauvais génie ou
d’esprit foncièrement malfaisant dans cette affaire – à la différence de
la seconde guerre

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