1914 - Une guerre par accident
forcés à la prison de Theresienstadt, en
Bohême. Les conditions de cette incarcération furent épouvantables et Princip
mourut de tuberculose en prison, en avril 1918. Il en alla de même pour
Nedeljko Cabrinovic et Trifko Grabez qui finirent également leur vie derrière
les barreaux. Les autres comploteurs eurent la chance d’en réchapper sauf
Danilo Ilic, Veljko Cubrilovic et Misko Jovanovic qui furent exécutés par
pendaison, en février 1915.
Soupçonné d’emblée, le conspirateur serbe en chef, le
colonel Dragutin Dimitrijevic, ne put savourer bien longtemps l’assassinat de
l’archiduc. Il devint rapidement un boulet pour les autorités de Belgrade même
si celles-ci refusèrent de le livrer aux Autrichiens. Plus tard, lorsque le
Premier ministre serbe Pasic et le prince régent Alexandre envisagèrent de
négocier une paix séparée avec l’Autriche-Hongrie, vint l’heure des règlements
de comptes. Le mouvement de la Main Noire fut démantelé et Dimitrijevic traîné
devant les tribunaux. Jugé en mai 1917, il fut reconnu coupable de
trahison et fusillé un mois plus tard par un peloton d’exécution. Il ne
faudrait pas moins d’une vingtaine de balles pour achever celui qu’on appelait
Apis au temps de sa splendeur.
Fidèle à sa réputation d’habileté et d’opportunisme, le
Premier ministre serbe, Nikola Pasic, resta à la tête du gouvernement de
Belgrade jusqu’en décembre 1918. Devenu le principal négociateur serbe à
la Conférence de Paix de Paris de 1919, il revint aux affaires deux ans plus
tard au moment de la création de la Yougoslavie. Il quitta définitivement le
pouvoir en avril 1926 avant de succomber peu après à une crise cardiaque.
En tant qu’État, l’Autriche-Hongrie porta une responsabilité
écrasante dans le déclenchement de la guerre. Le pire eût sans doute été évité
si telle avait été la volonté de Vienne. Il eût fallu pour cela un sauveur
providentiel et ce ne pouvait plus être l’empereur François-Joseph qui ne
détenait déjà plus la réalité du pouvoir. Le 29 août 1914, il
déclarait solennellement au Wiener Zeitung : « J’ai tout
examiné et tout pesé. C’est la conscience tranquille que je m’engage sur le
chemin que me dicte mon devoir. » Parole de vieillard, sereine mais vaine.
Âgé de quatre-vingt-quatre ans au moment de l’entrée dans le conflit, il
survécut encore deux années avant de rendre le dernier soupir. Non sans
amertume, l’ alte Herr avait souvent pensé que sa disparition
préfigurerait la fin de l’Empire des Habsbourg. C’est très exactement ce qui se
passa en novembre 1916. L’archiduc Charles, son petit-neveu qui lui
succéda, ne devait pas survivre politiquement à la guerre qu’il avait tenté
pourtant d’interrompre. Banni de son pays, il dut s’exiler sur l’île de Madère.
Il mourut en avril 1922 sans avoir abdiqué mais dans la misère et dans
l’indifférence générale.
Tenu pour un fauteur de guerre, le très falot chef du
gouvernement autrichien Karl Stürgkh fut assassiné en octobre 1916 de la
main de Friedrich Adler, fils du leader social-démocrate Victor Adler et proche
ami de Léon Trotsky et d’Albert Einstein. Le comte Istvan Tisza connut le même
sort. Il fut assassiné en octobre 1918, pendant la Révolution dite des
Chrysanthèmes, par des soldats qui lui reprochaient d’avoir été un des responsables
de ce conflit. L’accusation était injuste, Tisza ayant été seulement incapable
de l’empêcher. En août 1914 encore, il écrivait à sa nièce :
« Nous ne pouvions pas agir autrement, mais j’ai été au désespoir d’agir
ainsi. Pour moi, toute guerre signifie du malheur, de l’angoisse, des
dévastations. »
Ironiquement, le principal responsable de la montée à la
guerre, Leopold Berchtold, connut un sort beaucoup enviable. Contraint à
démissionner du Ballplatz en octobre 1915, il se retira opportunément de
la vie publique. Le comte ne refit plus parler de lui jusqu’à sa mort, en
novembre 1942, près de Csepreg en Hongrie. Son adjoint, le comte Janos
Forgach, le suivit dans sa disgrâce. Il tenta d’intriguer en vain avec
l’Ukraine en 1918 et mourut en septembre 1935 à Budapest où il avait
trouvé refuge.
Autre « faucon » autrichien, Franz Conrad von Hötzendorf
se montra beaucoup plus discret, une fois la guerre commencée. Ses plans de
guerre étaient inadéquats. Généralissime, il se signala surtout par
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