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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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royales.
Mais le lieutenant Charles de Gaulle avait une prédilection pour la littérature
militaire et les grands stratèges français, les Guibert, Jomini et Ardant du
Picq.
    Quelques mois plus tôt, le jeune lieutenant s’était pris à
regretter comme tout le monde le départ du patron du régiment, le colonel
Philippe Pétain. Celui-ci s’en était allé prendre le poste de professeur de
tactique générale à l’École de cavalerie de Saumur. De l’admiration pour
Pétain, de Gaulle en avait à revendre. Dans son carnet personnel, il l’avait
croqué en quelques mots : « Trop fier pour l’intrigue, trop fort pour
la médiocrité, trop ambitieux pour être arriviste [20] . »
     
    Pétain était de ces chefs inspirant le respect, parfois
jusqu’à la vénération. On le plaignait pour n’avoir pas eu la carrière qu’il
aurait méritée. Seule une bonne guerre eût pu le distinguer. Hélas, il n’avait
pas eu cette chance et l’heure de la retraite avançait à grands pas. De son
côté, le vieux colonel savait que ce jeune officier, sur lequel il ne tarissait
pas d’éloges, était promis à un brillant avenir.
    Un jeune officier aussi atypique que prometteur. Le
lieutenant de Gaulle avait une prédilection pour la chose politique, ce qui
était peu fréquent dans les chambrées. Sa connaissance des milieux parlementaires
français était stupéfiante et son appréciation de la classe politique sans
concession. Pour de Gaulle, la cause était entendue :
    — Il n’y a qu’un seul homme d’État digne de ce nom et
c’est Georges Clemenceau !
    Clemenceau, le « Tigre » mais aussi l’homme de
gauche, l’ennemi juré des prêtres et des monarques ! Dans son milieu
familial, empreint de valeurs conservatrices, on imputa à la fougue de la
jeunesse ce jugement à l’emporte-pièce. On avait tort. Charles de Gaulle avait
de la suite dans les idées.
    *
    Clemenceau, lui, attendit plusieurs jours avant de publier
dans L’Homme libre , le quotidien dont il était le fondateur, son premier
éditorial sur l’attentat de Sarajevo. Il était trop occupé à dégoiser sur sa
bête noire favorite, le président Poincaré. De celui-ci, il disait
volontiers : « On ne devrait jamais mettre à la tête du pays un homme
qui a le cœur bourré de dossiers, c’est trop dangereux [21] . »
    C’est bien pourtant ce qui était arrivé en janvier 1913,
avec l’élection de Raymond Poincaré à l’Élysée. Pour la première fois depuis le
début de la République, un président était élu sans le consentement de
Clemenceau. Ce dernier ne le pardonnerait jamais à Poincaré. Depuis, il
déversait quotidiennement dans L’Homme libre des tombereaux de fiel sur
son adversaire politique. Stoïque dans sa dignité, Poincaré encaissait en
silence. Il se promettait de rétablir la vérité plus tard quand, une fois son
septennat achevé, il se mettrait à écrire ses Mémoires .
    Le 1 er  juillet, Clemenceau consacra enfin un
article à la situation dans les Balkans. Son intitulé : « En route
vers l’inconnu », était d’une perspicacité indéniable. Sa substance, en
revanche, laissait perplexe. L’ancien président du Conseil y saluait la
personne de François-Joseph dans laquelle il déclarait voir « une garantie
de paix »…
Baie de Kiel, 28 juin, 16 h 15
    Le Kaiser Guillaume II aimait passionnément la mer.
Trop, sans doute, pour être un souverain germanique à l’ancienne, les bottes
bien plantées dans la glaise du Vaterland . Naguère, Bismarck comparait
la Prusse à une veste de laine, ajoutant : « Elle gratte, mais elle
tient chaud [22] . »
Dans cette veste dont il n’appréciait pas outre mesure la rugosité, l’empereur
d’Allemagne se sentait à l’étroit.
    Ce n’était pas pour rien que ce petit-fils de la reine Victoria –
son préféré, disait-on – avait du sang britannique dans les veines.
Guillaume n’était jamais rassasié du sentiment de puissance inoculé par
l’espace marin, jamais lassé du spectacle de démesure des flots indomptables.
    Ce jour-là, le Kaiser participait aux régates annuelles sur
l’Elbe qu’il n’aurait manquées pour rien au monde. Un jour viendrait, il
l’espérait en secret, où la Semaine de Kiel dépasserait en prestige les régates
de Cowes. Un jour également, la marine de guerre allemande, son monument
personnel, en remontrerait à la Royal Navy.
    En uniforme de grand amiral de la Kriegsmarine,

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