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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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avantageuses et les
mâles attitudes, aussi bien que dans la compagnie virile des officiers. Il
raffolait des discours, pompeux et ampoulés de préférence. Il en prononcerait
jusqu’à cinq cent soixante-dix-sept en dix-sept ans ! Suivant son humeur,
il pouvait changer d’uniforme jusqu’à une dizaine de fois par jour. Gentilhomme
jusqu’au bout des ongles, il pouvait également se montrer d’une grossièreté
inouïe. Colérique, désagréable, il savait se faire charmeur et séducteur quand
la nécessité l’imposait. « Un garçon mal élevé et de mauvaise foi [25]  » :
c’est ainsi que le tsar Nicolas II – « Nicky » pour les
intimes – voyait son cousin « Willy ». Il n’était guère le seul.
    Le Kaiser ne décolérait pas. Il se sentait floué. Au cours
de ces derniers mois, il avait modéré les ardeurs de ses alliés autrichiens
dans les Balkans, jugeant même excessive l’animosité de l’Autriche-Hongrie
envers la Serbie. Il ne comprenait pas pourquoi Vienne s’opposait si
farouchement à la perspective d’une union entre la Serbie et le Monténégro,
alors que celle-ci lui paraissait dans l’ordre des choses. La Serbie y
gagnerait-elle un accès à la mer Adriatique ? Soit ! Et alors ?
    À Vienne, Guillaume II s’était appuyé sur
François-Ferdinand qui souhaitait lui aussi calmer le jeu. À présent, le Kaiser
regrettait amèrement d’avoir prêché la modération. Il avait été bien mal payé
de retour. L’agression contre le représentant d’une monarchie était au-delà de
ce qu’il pouvait tolérer. D’après son code de valeurs, la ligne rouge venait
d’être franchie.
    *
    À Berlin ce jour-là, l’ancien chancelier du Reich, le prince
Bernhard von Bülow, se rendit dans un immeuble situé au n o  11
de la Uhlandstrasse, à deux pas du célèbre Hôtel Adlon, en compagnie du
banquier Paul von Schwabach. La demeure de M me  von Lebbin,
une amie de longue date, était des plus modestes. La vieille dame était malade
et à demi paralysée. On leur apprit la nouvelle en provenance de Sarajevo.
    — Qu’en pensez-vous, Bernhard ?
    Bülow resta un instant songeur :
    — Évidemment, évidemment, c’est un forfait
abominable. Maintenant, politiquement, tout dépend de la manière dont
l’incident sera traité. Sera-ce un embarras ou… un débarras ?
    Le prince von Bülow ne tarderait pas à avoir la réponse
à sa propre question. Un peu plus tard dans la journée, il s’en vint présenter
ses condoléances à l’ambassadeur d’Autriche-Hongrie à Berlin, un vieil
aristocrate magyar qui avait vaguement croisé Bismarck dans sa jeunesse. Sous
le coup de l’émotion, sans doute, le diplomate laissa parler son cœur :
    — Quelle destinée tragique ! Mais politiquement,
une grâce de la Providence [26] …
Saint-Pétersbourg, 29 juin, 10 h 40
    L’atmosphère était lugubre à Tsarskoïe Selo, la résidence
d’été du tsar Nicolas II qui donnait sur le golfe de Finlande. Et
l’assassinat de François-Ferdinand, accueilli dans une relative indifférence,
n’y était pas pour grand-chose. Au palais Alexandre était parvenu un télégramme
faisant état d’un autre attentat. Un attentat perpétré en Russie, dans une
petite localité anonyme de la province sibérienne de Tobolsk. Cette dernière nouvelle
était autrement préoccupante pour la famille impériale.
    On apprendrait plus tard les détails de cette agression dont
avait été victime Grigori Efimovitch Raspoutine. Alors qu’il séjournait dans
son village natal de Pokrovskoïe, Grichka – comme le surnommaient avec
mépris ses détracteurs – avait reçu un coup de couteau à l’abdomen. Sa
blessure était sérieuse. L’auteur de l’agression était une femme du nom de
Khionia Gousseva, une marginale à demi folle qui n’avait été maîtrisée qu’à
grand-peine.
    La tsarine Alexandra Feodorovna s’était mise dans tous ses
états. On avait fini par lui avouer que Grigori Efimovitch se trouvait entre la
vie et la mort à l’hôpital de Tioumen. Elle avait fait dépêcher à son chevet
l’éminent chirurgien von Breden. Pour la famille impériale, le choc était
immense, sans commune mesure avec les événements de Sarajevo.
    « Notre Ami », c’est ainsi que le tsar Nicolas et
la tsarine Alexandra Feodorovna appelaient le plus souvent Grigori Efimovitch.
Un ami cher. L’homme avait sauvé la vie du prince héritier, le tsarévitch
Alexis, et cela

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