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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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Guillaume
barrait son voilier de compétition, le Meteor . En route pour une course
vers les îles danoises. Venue du port de Kiel, une vedette rapide fendit
soudain les eaux verdâtres et se porta à sa hauteur. À son bord, l’amiral Georg
Alexander von Müller, le chef de la Maison militaire de l’empereur. Il
avait le visage sombre.
    L’amiral était porteur d’un message du consul général
d’Allemagne à Sarajevo. Déjà, il glissait le télégramme dans un étui à
cigarettes afin de le lancer à bord du yacht lorsqu’il en fut empêché par le
Kaiser. De mauvaise humeur, celui-ci exigea qu’on lui lise le message au
porte-voix. Le maître de la flotte allemande détestait être dérangé, surtout en
mer.
    — De tristes nouvelles, Sire. L’archiduc
François-Ferdinand a été assassiné ce matin à Sarajevo.
    L’irritation de Guillaume II s’estompa d’un seul coup.
Aux dernières régates de Kiel, peu après avoir célébré le jubilé d’argent de
son accession au trône, il avait accueilli François-Ferdinand en invité
personnel et privilégié. Deux week-ends plus tôt, il avait été lui-même l’hôte
de « Franzie ». Ce dernier l’avait reçu en grande pompe dans son
pavillon de chasse de Konopischt, en Bohême. Ensemble, ils avaient chassé le
cerf et admiré la roseraie. Ils avaient aussi discuté politique. Le Kaiser
avait apprécié la simplicité de ce moment de détente. Contrastant avec les
courtisans viennois, il avait fait preuve de délicatesse et de considération envers
la duchesse de Hohenberg. François-Ferdinand en avait été particulièrement
touché.
    Bouleversé par la nouvelle, Guillaume II fit
interrompre la course et ordonna que les pavillons soient mis en berne. Puis il
rallia sur-le-champ son yacht, le Hohenzollern . Sous le coup de
l’émotion, il dicta peu après un télégramme à François-Joseph :
« Absolument anéanti par les nouvelles de Sarajevo, je Te prie d’accepter
l’expression de ma profonde sympathie. Nous devons nous incliner devant le
décret de Dieu qui, une fois de plus, nous impose de lourdes épreuves [23] . »
    Le charme était rompu. Le lendemain à l’aube, le visage
fermé, il reprit le chemin de Potsdam.
    — Le défunt archiduc avait bien raison de vouloir
détruire le nid de frelons serbe. Il faut se débarrasser de cette canaille.
C’est maintenant ou jamais [24]  !
     
    En présence de ses conseillers, le Kaiser laissa libre cours
à sa colère. En vingt-cinq ans de règne, il n’avait pas vraiment changé. Par
bien des côtés, il restait l’adolescent compulsif qu’il était lorsque Bismarck
avait entrepris de lui inculquer les règles du pouvoir. Une mission
épouvantablement ardue ! Le vieux chancelier, qui avait régné d’une main
de fer sur l’Allemagne pendant tant d’années, s’y était cassé les dents avant
d’être congédié.
    Par la suite, le jeune empereur s’était évertué à prendre le
contre-pied de tout ce qu’avait patiemment édifié le fondateur du Reich sur le
plan diplomatique. Bismarck avait-il isolé la France de la Russie en
rapprochant l’Allemagne du tsar ? En quelques mois seulement,
Guillaume II jeta aux orties l’entente avec Saint-Pétersbourg, révoquant
le traité de réassurance. Les conséquences en furent implacables. La Russie
tsariste se retourna aussitôt vers la France républicaine pour former une
alliance qui prenait désormais l’Allemagne en tenaille.
    Bismarck se défiait-il de toute aventure coloniale, estimant
que l’espace naturel de l’Allemagne était le continent européen ?
Guillaume, lui, s’empressa de célébrer sa Weltpolitik, qui soulignait la
vocation mondiale de l’Allemagne, et colonisa « à la vapeur » pour
rattraper le retard. Et pour bien signifier que les choses avaient changé, il
avait encouragé l’amiral von Tirpitz à bâtir une flotte navale moderne
d’une envergure telle que l’Angleterre finirait par y voir une menace pour sa
propre sécurité.
    Pire que tout, Guillaume était imprévisible et peu
accessible au bon sens dès que ses plans ou ses lubies se trouvaient
contrariés. Fantasque et susceptible, il pouvait prendre la mouche et
s’emporter sans raison apparente. L’homme nourrissait un complexe en raison de
sa petite taille et d’une atrophie de naissance au bras gauche. Il croyait
pouvoir le surmonter en exagérant dans la parade et l’extraversion.
    Guillaume se complaisait dans les poses

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