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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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prince
Bernhard von Bülow, ancien secrétaire d’État puis chancelier du Reich
allemand et époux de Maria Anna Rosalia Beccadelli, princesse de Camporeale et marquise
d’Altavilla. Depuis qu’il avait pris sa retraite forcée de la vie politique
allemande en juillet 1909, le prince attachait du prix à ce havre de paix.
Il comptait légion d’amis et de relations à Rome où il avait occupé dans le
temps les fonctions d’ambassadeur.
    Ce matin-là, Bülow recevait un de ses vieux amis. Il
s’appelait Paul Warneke et était journaliste au Kladderadatsch , un
hebdomadaire berlinois connu pour son ton jovial et satirique. Bien sûr, Bülow
se méfiait de la presse et de son caractère survolé sinon malveillant. Comme
beaucoup de gens de pouvoir, il considérait que ceux qui savent ne parlent pas
et ceux qui parlent ne savent pas.
    C’était en partie la presse qui avait été à l’origine de sa
disgrâce. Qui ne se souvenait de cet invraisemblable article du Daily
Telegraph d’octobre 1908 ? Interviewé par le quotidien londonien,
le Kaiser y avait expliqué que, si l’Angleterre avait fini par gagner la guerre
des Boers, c’était grâce à ses conseils. L’histoire d’un amour contrarié avec
l’Angleterre.
    L’affaire avait fait scandale en révélant au grand public le
caractère déraisonnable de Guillaume II. Elle avait fait une victime
collatérale en la personne de Bülow qui avait dû, en termes voilés, désavouer
l’empereur. Celui-ci n’avait guère apprécié. Il en était même arrivé à
soupçonner que l’homme qu’il appelait alors son « cher Bernhard »
était à l’origine du scandale. Moins d’un an plus tard, il lui donnait
froidement congé.
    Cette maudite presse ! Néanmoins, chaque homme de
pouvoir a son « bon journaliste ». Celui du prince von Bülow
s’appelait Warneke. Il est vrai que le Kladderadatsch avait toujours été
d’une grande correction envers Bülow lorsqu’il était chancelier. D’ailleurs, il
ne s’agissait que d’une simple visite de courtoisie. Le but du séjour à Rome de
Warneke était un entretien avec le chef de la diplomatie italienne, le marquis
San Giuliano.
    Avec Bülow, la conversation dévia aussitôt sur la grande
affaire du jour : l’ultimatum autrichien à la Serbie. La plupart des
journaux romains en faisaient état dans leurs colonnes.
    — Ils vont tout droit à la catastrophe et ils ne s’en
rendent même pas compte !
    Bülow avait l’habitude de réfléchir tout haut en présence de
ses interlocuteurs. Parfois, il ne détestait pas de les prendre à témoin. S’il
n’avait jamais été un bateleur de tribune, ce dont il se flattait, il excellait
dans la conversation et les apartés. Son charme personnel de même que la
distinction de son éloquence, pimentée par une culture raffinée, finissaient
presque toujours par convaincre.
    — Tout de même, Excellence. Il serait incroyable que
nos dirigeants n’aient pas soupesé les conséquences de leurs actions.
    — C’est pourtant ainsi, mon cher. La presse est parfois
trop révérencieuse. Vous sacralisez trop les hommes au pouvoir. La vérité est
qu’on n’y trouve pas que des lumières.
    Sous les riches frondaisons des orangers, les deux hommes
demeurèrent songeurs, les yeux mi-clos.
    — Le marquis San Giuliano et les Italiens sont
également pessimistes mais pas autant que vous, Excellence.
    — Sans doute ne connaissent-ils pas tout ce monde comme
je le connais ! Ah, le concert européen…
    — Les Autrichiens ?
    — Oui, bien sûr. À commencer par Berchtold, ce
diplomate futile, bouffi de vanité. Imagine-t-il vraiment que l’Histoire se
souviendra de lui ? Il n’arrive pas à la cheville d’Aerenthal son
prédécesseur.
    Bülow reprit :
    — … mais il n’y a pas que les Autrichiens, hélas !
Après tout, ce n’est pas Vienne qui a la maîtrise du jeu.
    — Le Kaiser, n’est-ce pas ?
    — Sans doute. Vous savez que j’ai pour règle de ne pas
parler de Sa Majesté. Surtout depuis mon départ de Berlin, il y a tout juste
cinq ans, dans les conditions que vous savez.
    Bernhard von Bülow n’avait jamais oublié ce jour maudit
de juillet 1909 où il avait dû quitter la Chancellerie, presque du jour au
lendemain, remplacé par Theobald von Bethmann-Hollweg.
    — Vous savez fort bien, Excellence, ce que pense la
presse allemande et pas seulement le Kladderadatsch . L’empereur
Guillaume n’est pas apte à diriger le

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