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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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menées terroristes en Bosnie, la
mise sur pied d’une enquête sur les responsabilités de l’assassinat de Sarajevo
ou encore le renvoi de tous les officiers et fonctionnaires compromis dont
Vienne détenait la liste.
    La dixième des dix conditions de l’ultimatum était la plus
stupéfiante. Elle portait la marque personnelle du comte Forgach qui l’avait
rajoutée au crayon en toute dernière minute. Elle comportait l’exigence que des
fonctionnaires austro-hongrois participent à l’enquête, en Serbie même !
C’était la souveraineté même de la Serbie en tant qu’État qui était ainsi
bafouée. Belgrade ne disposait que d’un délai de quarante-huit heures pour
satisfaire à toutes ces conditions.
    De l’aveu de la plupart des diplomates européens lorsqu’ils
en prirent connaissance, y compris les plus chevronnés, il s’agissait là du
document diplomatique le plus dur de contenu et le plus humiliant d’expression
qu’un gouvernement indépendant ait jamais adressé à un autre.
    L’ambassade d’Allemagne à Vienne n’avait eu communication
que tardivement de la note autrichienne. On ne la lui avait transmise que
l’avant-veille, 21 juillet. Personne à l’ambassade n’avait cru devoir
réagir à ce document explosif. On avait même pris tout son temps pour en
informer Berlin. En fait, Jagow n’en prit connaissance que dans l’après-midi du
22 juillet lorsque le comte Szögyény vint en personne le lui remettre.
    Jagow fut, lui aussi, sidéré par la teneur de la note
autrichienne :
    — C’est tout de même un peu fort, ne trouvez-vous
pas ?
    — Que voulez-vous, Excellence, il n’y a plus rien à
faire ! La note sera remise à Belgrade demain matin.
    — Il est donc trop tard…
    — Je le crains, Excellence [125] .
    Le numéro de duettistes qu’improvisaient Gottlieb von Jagow
et Ladislas Szögyény était médiocrement convaincant. Était-il vraiment
trop tard ? Après tout, il restait encore toute la soirée et la nuit pour
œuvrer dans le sens de l’apaisement. Encore aurait-il fallu qu’on le veuille
réellement, à Berlin comme à Vienne. Certes, le Kaiser voguait alors
quelque part au milieu de la Baltique, difficilement joignable. Mais le
gouvernement allemand, lui, était bel et bien en état de marche.
     
     
    D’ailleurs le chancelier Bethmann-Hollweg comme le
sous-secrétaire d’État Alfred Zimmermann partageaient l’opinion de Jagow. La
note autrichienne était bien trop agressive. Était-il si difficile de joindre
Vienne dans les plus brefs délais et d’obtenir que l’ambassade autrichienne à
Belgrade retarde sa représentation d’une journée ou deux ? Ne fût-ce que
pour conserver le temps de la réflexion, le temps d’éviter qu’on ne monte
inconsidérément aux extrêmes.
    Une telle volonté faisait défaut à Jagow et à ses collègues
du gouvernement allemand. À aucun moment, il ne leur vint à l’idée de ramener
leurs alliés autrichiens à la raison. Se résignant au fait que les dés étaient
jetés et que personne n’y pouvait plus rien, les responsables allemands
optèrent pour la facilité. C’était aussi la voie de l’irresponsabilité.
    Jagow ordonna que soit télégraphiée une circulaire aux
ambassadeurs d’Allemagne en Russie, en Angleterre et en France. Cette
circulaire contenait des éléments de langage sur la note autrichienne qui
y était qualifiée de « juste et modérée ». Elle avait été rédigée
avant même qu’on ait eu connaissance à Berlin de cette note ! Personne à
la Wilhelmstrasse ne jugea opportun de suggérer qu’on en modifiât au moins
certains termes.
    En vérité, Vienne était parfaitement accessible par les
moyens de communication habituels, en cette soirée du 22 juillet. Jagow
parviendrait d’ailleurs à contacter ses collègues autrichiens : pas dans
le but de les calmer mais seulement pour les informer d’une modification de
dernière minute dans le programme de la visite de Poincaré en Russie. Car
l’ultimatum autrichien faisait partie d’un stratagème bien huilé.
    Initialement, la note autrichienne devait être délivrée en
fin de matinée du 23 juillet, de telle manière que les chefs d’État
français et russe – le décalage horaire aidant – ne puissent s’en
entretenir directement et immédiatement. Le président français devait reprendre
la mer dans l’après-midi. Pour Vienne, appuyée par Berlin, il s’agissait de
prendre de court

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