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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Georges Ayache
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seule option possible [196] .
    Quelques heures plus tôt, Nicolas II avait signé
l’oukase de la mobilisation générale. L’ordre devait être cosigné par les
ministres de la Guerre, de la Marine et de l’Intérieur avant d’entrer en
application dès le lendemain 30 juillet. C’était le point final d’une
controverse qui échauffait sérieusement les esprits depuis plusieurs jours.
    Sazonov lui-même venait de mettre fin à un entretien pénible
avec l’ambassadeur allemand Pourtalès. Le regard défait, le verbe mal assuré,
ce dernier avait perdu son arrogance habituelle. Il apportait un message de
fermeté de Berlin et il en mesurait déjà les conséquences. À court d’arguments,
Pourtalès avait presque imploré le ministre russe :
    — Je vous en conjure, faites-moi une proposition,
n’importe laquelle, que je puisse recommander à mon gouvernement. C’est notre
dernier espoir [197] .
    Sazonov n’était pas un va-t-en-guerre. Au tout début, il
était contre l’idée d’une mobilisation qui aurait relégué la diplomatie aux
oubliettes. Il avait plaidé en ce sens mais n’avait guère été suivi en Conseil
des ministres. Dès le 24 juillet avait été décidée la mobilisation
partielle. Quatre districts militaires – ceux de Kiev, d’Odessa, de Moscou
et de Kazan – soit treize corps d’armée en temps de paix, avaient reçu
l’ordre de se positionner le long de la frontière autrichienne. Le but était de
dissuader l’Autriche de toute intention agressive sans pour autant provoquer
l’Allemagne. Trop subtil, sans doute, en un moment où les gens perdaient le
sens des nuances.
    Dangereux, en avait conclu Sazonov. Qui pouvait savoir
comment l’Allemagne interpréterait une telle mesure ? Stupide, avait
renchéri le général Serguei Dobrorolski en sa qualité de chef du service de
mobilisation de l’état-major général des armées. Lui était partisan de la
mobilisation totale. Son collègue des opérations, le général Danilov,
partageait cette opinion :
    — Absurde ! La mobilisation partielle est
techniquement impossible. En plus, elle serait un mauvais signal envoyé à
l’adversaire. Tous nos plans militaires visent l’Autriche et l’Allemagne en
même temps. Toute autre option ne serait que source de confusion [198] .
    À écouter Dobrorolski et consorts, on n’avait le choix
qu’entre la mobilisation générale, à laquelle tous les milieux militaires
étaient favorables, et rien du tout. On ne l’avait pas suivi. Pas plus qu’on
n’avait suivi Sazonov. On avait juste concédé que cette mesure de mobilisation
partielle n’entrerait pas tout de suite en application. En attendant, on se
contenterait de mesures de « prémobilisation » afin de ne pas fournir
de prétexte à une escalade généralisée.
    Ces tergiversations n’étaient plus de saison au lendemain de
la déclaration de guerre de l’Autriche à la Serbie. Sazonov n’était pourtant
pas au bout de ses émotions. Trois heures exactement après la prise de décision
du tsar, les télégrammes de mobilisation enfin contresignés par les ministres
concernés se trouvaient encore dans la salle du central télégraphique de
Saint-Pétersbourg, prêts à être expédiés à l’état-major puis aux chefs de
corps.
    Ils ne devaient pas être envoyés de sitôt. Un contre-ordre
intervint, interrompant inopinément le processus. Il n’était pas question de le
contester : le contre-ordre provenait tout droit de Peterhof.
    Le tsar venait de recevoir une réponse de son cousin Willy à
un télégramme que lui-même avait adressé à ce dernier quelques heures
auparavant. Dans cette réponse, il était écrit : « J’exerce toute mon
influence pour amener les Autrichiens à négocier franchement, à l’effet
d’arriver avec Toi à une entente satisfaisante. J’espère avec confiance que Tu
m’aideras dans mes efforts pour aplanir les difficultés qui pourraient encore
surgir. Ton sincèrement dévoué ami et cousin [199] . »
    Soulagé, Nicolas s’était réjoui du message. Malgré tous ses
défauts, Willy conservait une ultime lueur de bon sens. Dans ces conditions, il
ne pouvait plus être question de poursuivre la mobilisation générale, sauf à
passer pour un fauteur de guerre.
    Dans la soirée, le tsar fit envoyer un nouveau télégramme au
Kaiser dans lequel il proposait de soumettre le différend entre Vienne et
Belgrade au tribunal de La Haye. Willy lui répondit aussitôt

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