1940-De l'abîme a l'espérance
Madrid… Les Allemands se prêteraient à un arrangement. « Si Reynaud tombe, dit-on partout, Laval prendra le pouvoir avec Pétain à ses côtés. Le Maréchal en effet serait en mesure de faire accepter l’armistice par le commandement. »
Mais Reynaud est confiant. Les événements qui viennent, pense-t-il, renforceront sa position. Il répète le mot de Clemenceau : « Mon programme ? Je fais la guerre. »
Il fait savoir à Neville Chamberlain qu’il est prêt à intervenir en Norvège, pour couper la route du fer aux Allemands.
Le 28 mars, il se rend à Londres, au Conseil suprême de guerre, pour inscrire cette question à l’ordre du jour.
À cette occasion, ce 28 mars, il signe un document qui lui semble capital : les gouvernements français et britannique s’engagent à « n’entamer aucune négociation, à ne conclure aucun armistice ou traité de paix, sauf d’un commun accord ».
C’est un engagement sur l’honneur qui, pense Reynaud, musellera les défaitistes, les partisans de l’arrêt de la guerre.
Le 2 avril, il rencontre Churchill à Paris.
Le Premier lord de l’Amirauté et Reynaud s’accordent pour faire savoir aux Norvégiens que, devant l’utilisation abusive des eaux territoriales norvégiennes par la flotte allemande, des mines vont y être larguées par l’aviation britannique.
Ce mouillage est effectué dans la nuit du 7 au 8 avril.
Mais dans la soirée du 8 avril, 50 navires allemands franchissent les détroits danois puis, afin de tromper les Norvégiens, arborent des pavillons britanniques.
C’est une dépêche de l’agence Reuters qui a alerté le gouvernement français.
Le général Gamelin et l’amiral Darlan – le généralissime et le chef de la marine ! – ne savent rien !
La défaillance des services de renseignements français est accablante !
« Je vais faire une enquête », se contente de répondre Darlan à Paul Reynaud.
Le 9 avril, à l’aube, les Allemands occupent les principaux ports norvégiens : Bergen, Stavanger, Trondheim.
Les chefs militaires français n’en paraissent pas affectés.
7 .
Il est 8 h 20, ce 9 avril 1940. Paul Reynaud est debout, penché sur une carte de la Norvège. Quelques membres de son cabinet l’entourent. On apporte des dépêches. Les Allemands ont occupé de nombreux ports norvégiens et la capitale, Oslo. Ils contrôlent le Danemark. Copenhague est tombé. Il semble que ces succès aient été remportés par une poignée d’hommes, 9 000 en tout, mais bénéficiant d’une totale protection aérienne. Les navires sont nombreux, mais déjà attaqués par la Royal Navy. Il n’empêche, c’est une nouvelle mise en œuvre de la Blitzkrieg , cette guerre éclair qui a balayé l’armée polonaise.
« L’affaire de la Norvège est une victoire de plus à l’actif de la force mécanique, commente de Gaulle, une fois de plus cette victoire est allemande. »
Le général Gamelin arrive enfin dans le bureau de Paul Reynaud, situé au Quai d’Orsay.
Reynaud s’emporte, pose des questions qui sont autant d’accusations. Il interroge Gamelin sur les mesures qui ont été prises pour répondre à l’attaque allemande.
« Vous avez tort de vous énerver, dit Gamelin de sa voix posée. Il nous faut attendre des renseignements complets. Nous sommes en présence d’un simple incident de guerre. La guerre est faite de nouvelles imprévues. »
Et comme Reynaud hausse encore le ton, Gamelin ajoute : « Je vous demande à nouveau de ne pas être impatient. Nous devons attendre les événements. »
L’incompréhension est complète entre Gamelin, soutenu plus que jamais par Daladier, et Paul Reynaud. Mais les rapports avec l’amiral Darlan sont tout aussi tendus. L’amiral, sans en avoir prévenu Gamelin, propose de riposter à l’invasion allemande en… pénétrant en Belgique immédiatement.
Reynaud écarte cette suggestion, à laquelle Gamelin ne réagit que par une moue de désapprobation.
Le général parti, Paul Reynaud laisse éclater sa colère.
« C’est un préfet, c’est un évêque mais ce n’est à aucun degré un chef. Il n’est pas possible que cela dure. J’en ai assez, je serais un criminel en laissant cet homme sans nerfs, ce philosophe, à la tête de l’armée française. »
Mais comment s’en débarrasser sans entrer en conflit avec Daladier, sans perdre l’appui des radicaux-socialistes et donc être contraint
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