1940-De l'abîme a l'espérance
États-Unis, les progrès de notre industrie. Mais il fallait faire la guerre. Copier Clemenceau. Passer à la postérité. »
Mais Reynaud a aussi contre lui les « défaitistes », ceux qui n’ont pu empêcher la déclaration de guerre en septembre 1939, qui ont été en 1938 partisans de l’accord de Munich. Ils se regroupent autour de Pierre Laval. Ils espèrent que le maréchal Pétain, nommé ambassadeur à Madrid, présidera un jour le gouvernement.
« C’est Pétain qu’il nous faut », répète-t-on. « Hier, grand soldat. Aujourd’hui grand diplomate. Et demain ? » peut-on lire dans un petit fascicule illustré de photos du Maréchal et distribué à des millions d’exemplaires.
Dans les mois qui ont précédé la guerre, Paul Reynaud a été poursuivi par la haine de ceux qui approuvaient Charles Maurras, le leader monarchiste qui, dans son journal L’Action française, fustigeait « Mandel, Blum et Reynaud ».
Ainsi, cible de l’extrême droite, du centre et d’une partie des radicaux, Paul Reynaud peine à réunir une majorité. Il lui faut nommer Daladier ministre de la Guerre et conserver Gamelin.
La séance d’investiture du 22 mars ne peut donc être qu’une épreuve.
De Gaulle est assis dans les tribunes du public en compagnie de Dominique Leca, un collaborateur de Reynaud.
Les députés murmurent dès que Reynaud a commencé à parler de sa voix haut perchée.
On l’interrompt quand il dit : « L’enjeu de cette guerre totale est un enjeu total. Vaincre c’est tout sauver. Succomber c’est perdre tout. »
Ces phrases, de Gaulle les connaît par cœur puisqu’il a inspiré sinon écrit le bref discours d’investiture de Reynaud qui poursuit : « Nous tiendrons les dents serrées avec au fond du cœur la volonté de combattre et la certitude de vaincre. »
Ricanements dans l’hémicycle !
« Séance affreuse », commente de Gaulle.
Seul Léon Blum prononce une allocution noble et forte, digne du moment que l’on vit, avec la guerre dont chacun devrait sentir qu’elle va changer de visage.
On vote : 268 voix – dont 153 socialistes – pour Reynaud, contre 156 et 111 abstentions !
Une voix de majorité, et elle sera contestée !
Qu’est devenue l’union sacrée ?
Un député radical-socialiste lance : « Vous n’avez plus qu’à vous retirer ! »
Reynaud n’y songe pas. Mais il cède à Daladier qui, refusant que de Gaulle soit nommé secrétaire du Comité de guerre, s’est écrié : « Si de Gaulle vient ici, je quitterai ce bureau, je descendrai l’escalier et je téléphonerai à Paul Reynaud qu’il le mette à ma place. »
De Gaulle regagne Wangenbourg et ses bataillons de chars dans l’attente que soit constituée – on lui a promis qu’elle le serait au 15 mai – la 4 e division blindée, dont il prendra le commandement.
Quant au gouvernement de Paul Reynaud, à peine est-il formé et investi, qu’il apparaît déjà faible et menacé.
Reynaud le sait, mais à soixante-deux ans, il a le sentiment que c’est l’instant du destin, quand un homme rencontre les circonstances qui vont lui permettre de déployer toutes ses qualités.
Il se reconnaît dans les phrases soufflées par ce colonel de Gaulle qu’il soutient depuis tant d’années déjà.
Reynaud a martelé devant les députés non pas un programme précis mais une posture patriotique et morale.
« Susciter, rassembler, diriger toutes les énergies françaises pour combattre et pour vaincre, écraser la trahison d’où qu’elle vienne », telle est la définition de sa politique.
Il pourchassera ainsi les communistes, « la trahison des soviets », qui apportent leur aide aux ennemis de la France.
Le parti communiste a été interdit et ses parlementaires arrêtés.
Mais il doit manœuvrer, accepter comme secrétaire du Comité de guerre Paul Baudouin, gouverneur général de la Banque d’Indochine, dont il n’ignore pas les « penchants pacifistes », l’attirance qu’exercent sur lui les « nouveaux régimes », l’italien, l’allemand, l’espagnol.
Reynaud partage l’analyse de De Gaulle qui constate que « dans tous les partis, dans la presse, dans l’administration, dans les affaires, dans les syndicats, des noyaux très influents sont ouvertement acquis à l’idée de cesser la guerre ». Les milieux bien renseignés affirment que tel est l’avis du maréchal Pétain, ambassadeur à
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