1940-De l'abîme a l'espérance
de démissionner ?
Cependant, en Norvège, au fil des heures et des jours, la situation empire malgré les succès remportés par la Royal Navy qui coule la plupart des navires allemands. Mais là où des troupes ont débarqué, les Allemands résistent, la Luftwaffe déverse un tapis continu de bombes et il faut rembarquer les troupes.
Seule la situation à l’extrême-nord, à Narvik, est favorable parce que hors de portée des avions allemands. Reynaud s’empare de ce succès limité pour tenter de masquer l’échec de l’action alliée en Norvège. Il répète, devant les députés et les sénateurs puis à la radio, que « la route du minerai de fer suédois vers l’Allemagne est et restera coupée ».
Mais le 25 avril, Ironside, le chef de l’état-major impérial, écrit que l’évacuation de la Norvège semble être la seule solution envisagée.
Et les Britanniques la mettent en œuvre sans même avertir les Français !
Reynaud écrit à Neville Chamberlain, un Premier Ministre affaibli, lâché peu à peu par les députés conservateurs, son propre camp.
Une majorité se dessine à la Chambre des communes en faveur du Premier lord de l’Amirauté, Churchill.
Le télégramme expédié à Chamberlain par Reynaud en appelle à l’énergie, mais que peut le Premier Ministre ?
Il est isolé. On lui rappelle sans cesse que le 4 avril, avec dédain et superbe, il a claironné :
« Hitler a manqué le coche. »
Vingt jours plus tard, c’est la débâcle en Norvège, mais pour les troupes britanniques. Alors les objurgations de Reynaud – « Il faut voir grand ou renoncer à faire la guerre ; il faut agir vite ou perdre la guerre » – ne sont pas entendues.
Reynaud le découvre.
Il est épuisé, malade, las et abattu. Il se confie à Paul Baudouin dont il n’ignore pourtant pas le « pacifisme ». Mais, alité, Reynaud avoue ses craintes.
« Vers quoi allons-nous ? Nous sommes condamnés à ne pas bouger. Si nous bougeons, un désastre nous attend. Tout est immobile. Tout est désuet. Il faut un an pour remonter cette pente, mais le Parlement me donnera-t-il un an, et les Allemands attendront-ils ? Ils sont renseignés maintenant, depuis le début de l’affaire norvégienne, sur notre incapacité. »
Reynaud charge Baudouin d’avertir le président de la République qu’il compte remplacer le général Gamelin par le général Weygand et prendre en main le ministère de la Défense.
Baudouin fait au président de la République un compte rendu d’un Comité de guerre qui s’est tenu le 12 avril, au cours duquel Reynaud a critiqué les lenteurs de Gamelin et a proposé de relever le général de son commandement.
Un silence a suivi, puis Daladier a rétorqué qu’il ne pouvait accepter ce renvoi.
La cassure est donc affichée entre les deux hommes ; et Reynaud, la constatant et relevant le silence des ministres, conclut :
« Il y a un désaccord entre le président Daladier et moi. Le Conseil n’a pas d’opinion, dans ces conditions le gouvernement est démissionnaire. »
« C’est grave, c’est très grave, répète le président de la République après un long silence. Demandez-lui d’être patient. Le temps arrange beaucoup de choses. »
Reynaud cède aux sollicitations de Lebrun, mais c’est la grippe qui le terrasse.
Autour de lui, les intrigues se nouent. La comtesse de Portes règne, entourée de Paul Baudouin et du lieutenant-colonel de Villelume, tous deux rivaux mais alliés contre ce colonel de Gaulle qui écrit à Reynaud pour l’adjurer de réagir, de briser le conformisme du corps militaire. Donc de renvoyer Gamelin.
Mais Reynaud, toujours alité, hésite. La comtesse Hélène de Portes a pris sa place derrière la table de travail de Reynaud. Elle tient conseil, entourée de généraux, de députés, d’officiers supérieurs, de fonctionnaires. Elle parle beaucoup et très vite sur un ton péremptoire, donnant des ordres. De temps en temps, elle s’absente, passe dans la chambre de Paul Reynaud. On l’entend dire : « Reposez-vous bien Paul, nous travaillons. »
Quand elle s’éloigne, on peste contre l’intrigante. On raconte qu’elle a failli en venir aux mains avec la marquise de Crussol, l’égérie de Daladier.
Puis, Hélène de Portes rentre dans le bureau et on recommence à discuter le plus sérieusement du monde des affaires de l’État.
Ainsi va le gouvernement de la France en cette
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