1940-De l'abîme a l'espérance
fin d’avril et ce début du mois de mai de l’an quarante.
On prend à la légère les informations qui rapportent que des dizaines de divisions allemandes, dont la plupart des unités de Panzers et les divisions d’infanterie motorisées, ont pris position. Une concentration massive de forces a été repérée face à Sedan, le long de la Meuse, dans cette région des Ardennes que la ligne Maginot ne protège pas. Le relief et les forêts doivent suffire à interdire toute progression.
On ne tient pas compte des avertissements en provenance du Vatican et annonçant une imminente offensive allemande.
À Berlin, le colonel Oster, officier de l’Abwehr, le service de renseignements militaires, confie à l’attaché militaire hollandais, le colonel Sas, que l’offensive serait déclenchée le 10 mai. Sas avertit son homologue belge, qui a lui-même recueilli des informations assurant que le ministère des Affaires étrangères allemand – la Wilhelmstrasse – prépare le texte d’un ultimatum à adresser à la Belgique.
Paris a eu connaissance de ces rumeurs.
Le 3 mai, l’ambassadeur des États-Unis à Paris, Bullitt, câble à Washington : « Le gouvernement français a reçu tant d’informations concernant une attaque imminente contre les Pays-Bas ces temps-ci qu’il est persuadé qu’elles sont propagées par le gouvernement allemand et l’on considère comme probable que Hitler tournera son attention vers la Yougoslavie et la Hongrie avant d’attaquer les Pays-Bas. »
Dans la nuit du 7 au 8 mai, un pilote français, le colonel François, revenant avec son escadrille qui avait lâché des tracts sur Düsseldorf, signale une colonne blindée allemande, longue de plus de 120 kilomètres, qui se dirige tous feux allumés vers les Ardennes. Il transmet aussitôt son observation qu’il juge capitale… et que l’état-major refuse de croire. C’est qu’à Paris comme à Londres, on est en pleine crise politique. Aux Communes, Chamberlain est lâché. Le 7 mai, le conservateur Léo Amery prononce contre le Premier Ministre un réquisitoire implacable :
« Nous luttons aujourd’hui pour notre vie, pour notre liberté, pour tout ce que nous possédons, dit-il. Nous ne pouvons pas continuer à nous laisser guider de la sorte. Je vais citer des propos d’Oliver Cromwell. Je le fais avec une grande réticence parce que je parle d’hommes qui sont mes amis et mes associés de longue date, mais ce sont des paroles qui s’appliquent bien à la situation actuelle. Voici ce que Cromwell dit au Long Parlement quand il jugea que celui-ci n’était plus capable de conduire les affaires de la nation : “Voici trop longtemps que vous siégez ici pour le bien que vous avez fait. Partez, vous dis-je, et que nous en ayons fini avec vous. Au nom de Dieu, partez.” »
Le jeudi 9 mai au soir, Churchill peut répondre à son fils Randolph qui l’interroge sur les développements de la situation politique : « Je pense que je serai Premier Ministre demain. »
À Paris, ce même jeudi 9 mai, mais dans la matinée, à 10 h 30, Paul Reynaud commence à lire à ses ministres, réunis dans son bureau du quai d’Orsay, le réquisitoire impitoyable qu’il a dressé contre le général Gamelin. Il est décidé à ne plus reculer, à affronter la démission de Daladier.
À 12 h 30, Reynaud conclut que si on maintient un tel commandant en chef à son poste, la France est sûre de perdre la guerre.
Daladier, après un long silence, défend Gamelin, « grand chef militaire, au prestige indiscutable, au très beau passé militaire. Sa vive intelligence est reconnue par tous et il est beaucoup plus actif qu’un grand nombre d’hommes de son âge ».
Et Daladier ajoute que Gamelin s’est plié aux directives du gouvernement français, « guidé avant tout par le désir de ne pas allumer le front occidental… ».
Aucun autre participant de la réunion ne prend la parole.
« Devant une opposition aussi grave, déclare Paul Reynaud, je considère le cabinet comme démissionnaire. »
Il demande aux ministres de garder le secret jusqu’à ce que le président de la République ait formé un nouveau gouvernement. Le président Lebrun va commencer par consulter les présidents des deux assemblées, Herriot, maire de Lyon, président de la Chambre des députés, Jeanneney, président du Sénat.
Ce jeudi 9 mai à 12 heures, Hitler prend la décision de commencer
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