1940-De l'abîme a l'espérance
et au Fouquet’s. Ces cafés très parisiens étaient le rendez-vous de ce qu’il y a de plus haut gradé dans la garnison allemande d’occupation : des commandants, des colonels, des généraux… L’élément féminin habituel ne manquait pas… J’ai éprouvé une certaine surprise en voyant avenue des Champs-Élysées un car plein de touristes allemands, hommes et femmes. Déjà les “excursions à Paris” avaient commencé. Les agences allemandes de voyages ne perdent pas de temps ».
Le reportage est publié le samedi 13 juillet dans L’Illustration.
Certains Parisiens que révolte ce que l’un d’eux appelle « l’atroce spectacle de cette lâcheté et de cet égarement » couvrent de graffitis les affiches allemandes au risque de leur vie.
Le journaliste Jean Texcier commence à écrire le dimanche 14 juillet ses Conseils à l’Occupé, riposte spontanée qui marque la naissance de la presse clandestine puisque ces Conseils seront imprimés, diffusés.
« Fais-en des copies que tes amis copieront à leur tour. » Bonne occupation pour des occupés.
« Étale une belle indifférence mais entretiens secrètement ta colère. Elle pourra servir. »
« Depuis que tu es occupé, ils paradent en ton déshonneur. Resteras-tu à les contempler ? Intéresse-toi plutôt aux étalages. C’est bien plus émouvant car au train où ils emplissent leurs camions tu ne trouveras bientôt plus rien à acheter… »
« Les quotidiens de Paris ne sont même plus pensés en français, écoute la radio anglaise… »
L’émission de la BBC animée par Maurice Schumann, Ici Londres, les Français parlent aux Français, reprend au cours de l’été ces Conseils à l’Occupé.
Ainsi, dès cette mi-juillet 1940, l’opinion française échappe à la machine de propagande allemande, et accède au moins, grâce à la BBC, à une source d’information différente.
Les premiers actes de résistance apparaissent. Ils sont souvent spontanés.
Sur une affiche condamnant l’Angleterre, après Mers el-Kébir, on peut lire « le combat que mène l’Angleterre contre l’Allemagne c’est notre combat ».
Quand, le mercredi 17 juillet, le journal Ouest France annonce le décès à Paimpont de M me Jeanne Maillot, chacun comprend que le nom de De Gaulle a été censuré, parce qu’on sait qu’elle est la mère du Général.
L’église de Paimpont est envahie par les fidèles. Un détachement de gendarmerie, sous le commandement d’un capitaine, présente les armes, en dépit de l’interdiction des Allemands.
La tombe est régulièrement fleurie, et les gens emportent en souvenir de petits cailloux entourant la dalle.
Or, au moment même où s’exprime cet instinct patriotique, Hitler exige que le gouvernement de Vichy transforme la France en État satellite en abandonnant même la fiction entretenue de la souveraineté.
Le mardi 16 juillet, le général Weygand reçoit un ultimatum du général von Stülpnagel, exigeant que la France remette des ports de la Méditerranée, des aérodromes au Maroc, des stations météo, le chemin de fer de Tunis à Rabat aux mains des Allemands.
« Le Führer et commandant en chef de l’armée attend, écrit Stülpnagel, que le gouvernement français lui accorde l’appui qu’il juge nécessaire pour poursuivre d’une manière efficace sa lutte contre l’Angleterre. »
Tout en constatant que ce sont là des « demandes exorbitantes », le gouvernement Pétain veut « ouvrir des discussions » ; même s’il refuse de céder aux Allemands, qui remettent en cause la souveraineté française sur son Empire.
Laval, en dépit des réticences de Pétain, décide de se rendre auprès d’Abetz à Paris.
Le vendredi 19 juillet, Pétain reçoit Laval.
« Tous les renseignements concordent pour affirmer que les Allemands ne vous aiment pas », dit avec mépris le Maréchal.
Mais Laval n’en a cure. Il veut être celui qui ouvre et conduit le dialogue avec les Allemands. Il pense qu’il est le seul à comprendre que la collaboration avec l’Allemagne contre l’Angleterre est nécessaire et souhaitable. Tôt ou tard, ce choix s’imposera.
Il le dit à Abetz.
« Dans l’intérêt de son pays, rapporte Abetz, Laval souhaite rechercher sur le sol français les bases d’un travail de collaboration avec le gouvernement du Reich… » « Est-il dans l’intérêt allemand de garder une attitude irréconciliable
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