1940-De l'abîme a l'espérance
représailles », précise Hitler avant d’ajouter : « La guerre aérienne intensifiée peut commencer le 6 août 1940. »
Il s’interrompt, murmure : « Le 6 août au plus tard. »
Puis, comme s’il était libéré d’avoir trouvé une issue, il ajoute :
« Si l’effet des attaques aériennes est tel que l’aviation ennemie, les ports, les forces navales, etc., sont gravement endommagés, l’opération Seelöwe sera exécutée en 1940, le 15 septembre. Autrement, elle sera retardée jusqu’en mai 1941. »
Il poursuit d’une voix martiale, regardant chacun des généraux qui l’entourent. Il charge le Grand État-major de la Wehrmacht – l’OKW – de commencer à préparer l’attaque contre la Russie.
Les généraux Keitel, von Brauchitsch, Jodl, baissent cérémonieusement la tête, le corps raidi, les talons joints.
Qui, dans le Paris occupé de ce mois de juillet 1940, peut imaginer ce qui se trame dans la vaste résidence de Hitler d’où l’on domine les cimes de l’Obersalzberg ?
Les journaux sont autorisés à paraître, financés, contrôlés par les autorités allemandes. Un certain lieutenant Weber est chargé des relations avec la presse.
Étranges journaux que les Parisiens feuillettent avec surprise et dédain. Et l’Angleterre y occupe la première place.
Le Matin titre ainsi :
« La réponse de Pétain, grand soldat, à M. Churchill, petit politicien. »
La conclusion de l’article est délirante. On lit :
« As-tu compris, Israël ?
« Si tes fils camouflés en nationaux anglais n’abaissent ni leurs plumes ni leurs armes, ils seront anéantis avec toutes tes entités, tes slogans et tes termes !
« Telle est la volonté du Christ social !
« Alors l’Allemagne victorieuse et la France vaincue formeront les assises inébranlables du grand peuple aryen de l’Europe. »
Dans le journal Les Dernières Nouvelles – dont la durée de vie sera courte –, on apprend, le 23 juillet, que Lloyd George a gagné quarante députés anglais à l’idée d’une négociation avec l’Allemagne. Invraisemblable !
Et le même quotidien recense les « bobards » qui circulent à Paris.
« Ce sont les Anglais qui ont débarqué à Dunkerque, qui occupent Lille, ou qui ont repris Bordeaux. »
Et le journal de conclure :
« Insanités pour qui veut réfléchir, mais qui contribuent à entretenir un déplorable état d’esprit chez des gens dont les nerfs ont été mis à rude épreuve jusqu’au 15 juin dernier.
« Méfiez-vous des fausses nouvelles. Elles n’ont qu’un seul but : empêcher le redressement de la France ! »
En fait, si les Parisiens accordent du crédit à ces rumeurs et les colportent, c’est qu’au fond d’eux-mêmes l’espoir d’un retournement miraculeux de la situation demeure vivace.
Seule une minorité s’enthousiasme à la prose enflammée d’Alphonse de Châteaubriant, écrivain et essayiste de renom qui, dans l’hebdomadaire La Gerbe, s’écrie, s’adressant aux jeunes Français :
« Êtes-vous prêts ?
« Une ère nouvelle est en train de naître, elle traverse notre chair, ère de pureté, commandée par l’immense rythme de la vie créatrice… Êtes-vous prêts ? »
Ainsi cette presse parisienne fait-elle écho à l’idée de Révolution nationale que le gouvernement de Pétain veut mettre en œuvre.
On crée les Chantiers de jeunesse, substitut au service militaire. Les « compagnons », les « gars » y chantent au moment du lever des couleurs l’hymne qui remplace La Marseillaise.
Maréchal, nous voilà
Devant toi
Le Sauveur de la France
Nous jurons, nous, tes gars
De servir et de suivre tes pas
Maréchal, nous voilà !
Tu nous as redonné l’espérance
La Patrie renaîtra !
Maréchal, Maréchal, nous voilà !
Les disciples de Maurras, les anciens de la Cagoule – les plus proches des idées fascistes – sont nombreux dans l’entourage de Pétain. Soucieux de l’ordre moral et social, ils veulent mettre la Révolution nationale au service de leurs idées. La devise de l’État français, Travail, Famille, Patrie, leur convient.
Ils soutiennent le Maréchal et, comme lui, Laval les inquiète et les révulse.
« La France possède deux grands hommes, Philippe Pétain et Charles Maurras, écrit René Benjamin, qui est membre de l’Action française. L’un est la force de la pensée, l’autre est la force de l’action…
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