1941-Le monde prend feu
disciplinée.
Et c’est ce qu’ils sont, des chiens de chasse, auxquels il
faut un maître qu’ils craignent.
« Il
est d’importance capitale pour l’issue de la guerre d’éviter l’effondrement
définitif de l’Italie », reprend-il.
Il est donc résolu à l’empêcher d’abandonner l’Égypte, ce
qui entraînerait une sérieuse chute de prestige pour les puissances de l’Axe.
« Il faut donc lui prêter main-forte. »
Il pense au général Rommel, pour commander les unités qui
interviendront en Afrique.
« L’ Afrikakorps », murmure-t-il.
Il va convoquer Rommel.
« Les Italiens, ajoute-t-il, il faut les laisser dans l’ignorance
de mes décisions. Il y a lieu de craindre que la famille royale italienne ne
communique des renseignements à Londres ! »
Il exige donc le silence sur l’opération Barbarossa , mais
aussi sur l’envoi de troupes allemandes en Libye, sur l’opération Marita, qui
sera déclenchée le 26 mars et concernera l’envoi de divisions allemandes
en Grèce.
Car il faut en finir avec cette offensive grecque et cette
débandade italienne.
Jamais, depuis l’été 1940, Hitler n’a paru aussi sûr de lui.
Les généraux sont fascinés, silencieux.
« Si la France devient embarrassante, il nous faudra l’écraser
complètement, ajoute Hitler. Ce sera l’opération Attila. On envahira la
zone non occupée, on s’emparera de la flotte française, ancrée à Toulon. »
Hitler ressemble à un prestidigitateur ne cessant de sortir
de son chapeau des rubans multicolores ou des lapins blancs. Il y aura une
opération Tournesol pour soutenir les Italiens en Tripolitaine, et une
opération Violette des Alpes pour les secourir en Albanie, où ils
tentent de résister aux Grecs !
Maintenant, il peut conclure la dernière réunion de ce
Conseil de guerre commencé le 8 janvier 1941 et terminé le 10.
« Si les États-Unis et la Russie nous font la guerre, la
situation se compliquera », dit-il.
Mais il lève et secoue ses mains comme s’il venait de
déchirer cette hypothèse et la dispersait en confettis insignifiants.
« D’où l’urgence de juguler dès à présent ces deux menaces,
dit-il. Une fois la Russie éliminée – notre tâche numéro 1 –, nous
serons à même de poursuivre indéfiniment les hostilités contre la
Grande-Bretagne. Par ailleurs, le Japon sera grandement soulagé et les
États-Unis courront un danger supplémentaire. »
Il salue, le bras droit replié, et les généraux claquent des
talons.
Les 19 et 20 janvier 1941, il reçoit Mussolini et son
gendre, ministre des Affaires étrangères, le comte Ciano, ainsi que des
généraux italiens et allemands.
Il soliloque durant plus de deux heures.
Mussolini quittant le Berghof bougonne, le visage crispé.
« Les entrevues précédées d’un coup de sonnette ne me
plaisent pas, dit-il à Ciano. Ce sont les domestiques qu’on appelle ainsi. Et
quelle espèce d’entrevue ! Pendant trois heures je dois assister à un
monologue tout à fait ennuyeux et inutile. »
Le Duce se tait quelques minutes, puis ajoute d’une voix
menaçante :
« Je continuerai à fortifier les cols des Alpes. Ce
sera utile un jour. »
Nouveau silence, nouveau changement de ton.
Ce n’est plus celui de l’année 1934, quand le Duce s’opposait
au Führer et envoyait ses divisions au col du Brenner, mais celui d’un réaliste
et d’un cynique :
« Pour le moment, il n’y a rien à faire. Il faut hurler
avec les loups. »
Et tous ont applaudi la prophétie inlassablement répétée par
Hitler :
« Lorsque Barbarossa se mettra en marche, le
monde retiendra son souffle. »
3.
Le général Erwin Rommel, en cette fin d’année 1940 et durant
les premières semaines de janvier 1941, ignore tout des intentions du Führer.
Sa Panzerdivision est en garnison à Bordeaux. Après la « chevauchée
héroïque » – ainsi décrit-on dans la presse allemande la campagne de
France de Rommel à la tête de ses Panzers –, elle se réorganise, reconstitue
ses forces, est soumise aux contraintes de plusieurs semaines d’instruction.
On veut espérer que la paix est proche, mais, au fond de soi,
on en doute.
La
guerre se poursuit en Cyrénaïque, en Libye, en Somalie, en Érythrée, en Grèce, en
Albanie, et partout les Italiens qui sont engagés seuls sur ces immenses fronts
reculent devant les Anglais du général Wavell et les
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