1941-Le monde prend feu
Grecs.
Rommel, tout en roulant sur les routes souvent verglacées et
enneigées du sud-ouest de la France, évoque ces défaites italiennes, les
problèmes posés par les ambitions russes. Il ne sait rien de Barbarossa, mais
il confie que « les exigences de la Russie dans les Balkans, en Finlande, dans
les États baltes, sont assez dures. Je doute que cela fasse beaucoup notre
affaire. Ils prennent tout ce qu’ils peuvent ».
Pourra-t-on longtemps les laisser agir à leur guise, et, en
Afrique, en Grèce, en Albanie, accepter de ne rien faire pour empêcher les
débâcles italiennes ? Rome est l’alliée de Bardia !
Mais ce ne sont que de vagues réflexions.
En fait, Rommel mène la vie paisible d’un officier de l’armée
d’occupation.
Il écrit à son épouse Lu, le 6 janvier 1941 :
« J’ai reçu hier toute une pile de courrier dont vos
lettres des 21 et 23 décembre. Il semble que le service de la poste
redevienne normal. Cet après-midi, nous avons vu le film Le Cœur de la reine (Marie Stuart), que j’ai tout à fait goûté.
« Nous attendons pour demain des visiteurs de
distinction qui viennent inspecter nos cantonnements.
« Nous ne sommes pas ce qu’on peut appeler
confortablement installés. Les vignerons de la région passaient probablement
leur vie, voici mille ans, dans les mêmes misérables taudis qu’aujourd’hui :
maisons grossièrement construites en moellons de grès, avec des toits plats de
tuiles rondes, exactement semblables à celles des Romains. Beaucoup de villages
n’ont pas encore l’eau courante et se servent encore de puits. Aucune maison n’est
aménagée en vue du froid ; les fenêtres ne ferment pas et l’air siffle à
travers… Je compte prendre ma permission au début de février, d’ici là bien des
choses se seront éclaircies.
« Je ne suis pas surpris que cela n’aille pas tout seul
pour nos alliés en Afrique du Nord. Ils croyaient sans doute que la guerre est
chose facile, et maintenant ils ont à montrer ce dont ils sont capables. En
Espagne – en 1937 –, ils ont commencé exactement de la même façon, mais
se sont très bien battus ensuite. »
Mais la débâcle italienne s’accentue et, alors que Rommel
est depuis deux jours en permission chez lui, il est le 6 février convoqué
par le commandant en chef, le maréchal von Brauchitsch.
« On me charge d’assumer le commandement d’un corps
expéditionnaire, et je suis invité à me rendre en Libye dans les délais les
plus brefs. »
Rommel note dans son journal.
« Dans l’après-midi, je rends visite au Führer qui me
décrit en détail la situation sur le théâtre d’opérations africain : il me
confie qu’on m’a désigné à lui comme l’homme le plus capable de s’adapter
rapidement aux conditions particulières du théâtre d’opérations africain. Le
colonel Schundt, aide de camp principal du Führer, m’accompagnerait dans mon
voyage d’études. On me propose de regrouper les troupes allemandes dans la
région située autour de Tripoli de manière à pouvoir les masser en vue d’une
offensive ultérieure.
« Dans la soirée, le Führer me montre des journaux
illustrés anglais et américains qui décrivent l’avance des troupes du général
Wavell à travers la Cyrénaïque. Je suis particulièrement frappé par la parfaite
coordination entre formations blindées, aviation et unités de la marine de
guerre. »
Rommel est si tendu, si exalté par cette mission qu’il en
oublie les douleurs rhumatismales qui le tenaillaient depuis des semaines, et
que son médecin lui avait recommandé de soigner par une cure dans un pays
ensoleillé, l’Égypte étant le plus approprié…
« Très chère Lu, écrit-il, le 6 février 1941.
« Atterri à Staaten à 12 h 45. Me suis
présenté devant le C. en C. puis devant le F.
« Les choses vont vite. Mon barda me suit ici mais je
ne pourrai prendre avec moi que le strict nécessaire.
« Je n’ai pas besoin de vous dire que mon esprit est en
ébullition. Que de choses à faire ! Il faudra des mois avant que cela
démarre.
« Ainsi encore une fois “notre” permission a-t-elle
tourné court. Ne soyez pas triste, il devait en être ainsi. Ma nouvelle mission
est très importante. »
Le lendemain, 7 février 1941, encore quelques mots à Lu :
« Dormi sur ma mission. C’est une façon d’exécuter mon
ordonnance pour mes rhumatismes.
« J’ai terriblement de choses à
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