1941-Le monde prend feu
demande-t-on.
— C’est une potiche, je le mets sur la cheminée. »
L’amiral Darlan rencontre Abetz à Paris. Il découvre que les
Allemands ne tiennent pas à ce que Laval retrouve le pouvoir.
Les nazis souhaitent que demeure la rivalité entre Laval –
en zone occupée – et le gouvernement de Pétain à Vichy. Ils auront ainsi
un moyen de chantage.
L’amiral Darlan se prête au jeu.
Le 8 février, après un aller-retour à Paris – il
est le seul ministre qui dispose d’un ausweis, lui permettant de
franchir la ligne de démarcation –, Darlan déclare devant le Conseil des
ministres :
« L’heure, messieurs, est aussi grave que celle où il a
fallu se décider à demander l’armistice.
« Si nous cessons la collaboration, nous perdons tous
les avantages que nous pouvons espérer de cet armistice.
« Pour ma part, mon choix est fait, je suis pour la
collaboration. »
Flandin démissionne.
L’amiral Darlan devient vice-président du Conseil et
successeur désigné du maréchal Pétain.
Pétain peut croire qu’il a préservé ses marges de manœuvre
en écartant Flandin et Laval. Qu’il a ainsi évité de choisir et préservé son
avenir.
Cette politique opportuniste du moindre mal, cachée sous les
prestigieux uniformes d’un maréchal et d’un amiral, n’est que le noble
déguisement de la capitulation et de la collaboration.
Ce 9 février 1941, Vichy est plus que jamais enchaîné à
l’Allemagne nazie.
5.
Le choix de la collaboration fait par le gouvernement de
Vichy, de Gaulle, à Londres, en ce début d’année 1941, le dénonce.
Il flétrit « les intrigues et les querelles d’esclaves
des collaborateurs de l’ennemi ».
« La France, martèle-t-il, tient toutes ces vénéneuses
tromperies pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire des champignons poussés sur la
pourriture du désastre. »
Il exalte les combats des Forces françaises libres de
Leclerc et de Larminat, qui attaquent en Éthiopie, au Fezzan, au Tchad, en
Érythrée, en Cyrénaïque.
Elles remportent des succès. Elles entrent aux côtés des
Anglais dans Tobrouk. Elles sont à Mourzouk, à Kassala.
Elles bousculent les Italiens, capturent hommes et matériels.
La
colonne de Leclerc s’empare de l’oasis de Koufra le 1 er mars
1941. C’est le relais capital des communications aériennes italiennes entre la
Tripolitaine et l’Abyssinie.
Les Italiens étaient pourtant plus nombreux, surarmés, mais
ils ont été démoralisés par le survol et les attaques des avions de la France
Libre, pilotés par des hommes intrépides tels Romain Gary, Pierre de
Saint-Péreuse.
Le 2 mars, dans l’oasis conquise, au lever des couleurs,
Leclerc harangue ses hommes :
« Koufra, c’est capital pour le Tchad, mais pour la
France c’est très peu. Jurez de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos
belles couleurs flotteront à nouveau sur la cathédrale de Strasbourg. »
Le 6 mars 1941, de Gaulle nomme Leclerc Compagnon de la
Libération :
« Les cœurs de tous les Français sont avec vous, et avec
vos troupes. Colonel Leclerc, je vous félicite en leur nom du magnifique succès
de Koufra. Vous venez de prouver à l’ennemi qu’il n’en a pas fini avec l’armée
française. Les glorieuses troupes du Tchad et leur chef sont sur la route de la
Victoire. Je vous embrasse. »
La victoire de Keren, en Érythrée, suit celle de Koufra. Les
Français Libres sont à Keren sous commandement britannique, mais ils ont joué
un rôle décisif.
« J’ai vu le terrain de combat de Keren, dit de Gaulle –
qui effectue en mars un long périple en Afrique équatoriale, au Tchad, en
Érythrée, à Khartoum –, un terrain épouvantable. Jamais dans leur histoire
les Français n’ont combattu avec plus d’élan. »
Il interpelle un ancien député socialiste qu’il a nommé
gouverneur du Tchad :
« Vous avez des Anglais ici ? demande-t-il.
— Oui, mon général.
— Combien ?
— Dix-sept.
— C’est trop. »
Il observe Lapie qui paraît étonné.
« J’arrive, dit de Gaulle, décidé à ne ménager rien, d’une
part pour étendre l’action, d’autre part pour sauvegarder ce qui peut l’être de
la situation de la France. »
De Gaulle admire la ténacité et le patriotisme anglais, il n’oublie
pas que sans eux Hitler aurait remporté la partie.
Mais il sait aussi qu’ils pensent d’abord à l’Angleterre
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