1941-Le monde prend feu
Paris – rue
de Lille, là où se situe l’ambassade allemande !
Pétain semble avoir d’autant plus de mérite que, autour de
lui, on assure que les Allemands sont prêts à la rupture, qu’ils vont se venger
sur le million et demi de prisonniers qu’ils détiennent.
Ils affament Paris. Ils rendent le franchissement de la
ligne de démarcation difficile, même des ministres de Pétain sont refoulés.
Brinon, l’« ambassadeur » de Pétain à Paris, écrit
au Maréchal le 11 janvier 1941 :
« Notre pays est mis aujourd’hui devant le dilemme :
collaboration selon les vues allemandes ou anéantissement… C’est le jugement du
Führer lui-même et par là c’est la décision de toute l’Allemagne. »
L’historien Benoist-Méchin, délégué permanent à Berlin de l’ambassadeur
des prisonniers Scapini, obtient un laissez-passer pour se rendre auprès de
Pétain à Vichy afin de lui décrire le désespoir des prisonniers :
« Nous tendions nos bras vers eux mais nos bras ne
pouvaient plus se rejoindre. »
Pétain cède et, sans en avertir Flandin, il accepte de
rencontrer Laval, le samedi 18 janvier 1941, tout en confiant à l’un de
ses proches :
« Je ne prendrai aucun engagement à l’égard de Laval, l’entretien
est un geste, rien qu’un geste. »
C’est un épisode rocambolesque.
Pétain part en voiture de Vichy, comme pour une longue
promenade. Son train spécial l’attend à quelques kilomètres et le conduit à La
Ferté-Hauterive, où s’impatiente Pierre Laval.
La conversation est pleine d’esquives. Chacun des
interlocuteurs ruse.
« Mais enfin, pourquoi m’avez-vous fait arrêter, monsieur
le Maréchal ? demande Laval.
— Parce que vous ne me renseigniez pas, rétorque Pétain.
— Je n’ai fait que cela pendant cinq mois.
— Vous ne m’avez jamais émis de rapports, oui, de
rapports écrits. Ce que je veux, ce sont des rapports écrits. Je suis un
militaire. C’est ma méthode et vous n’avez jamais voulu me remettre de rapports
écrits. »
À ce jeu, dérisoire quand on pense à la situation de la
France, aux conditions de vie des Français, à l’avenir qui se dessine, Laval
est plus retors.
« Au fond, rien de grave ne nous oppose », dit-il
à Pétain.
On rédige un communiqué qui efface la signification de l’arrestation
de Laval le 13 décembre :
« Le maréchal Pétain, chef de l’État, a rencontré le
président Laval. Ils ont eu un long entretien au cours duquel ont été dissipés
les dissentiments qui avaient amené les événements du 13 décembre. »
Pétain obtient que l’on remplace le mot dissentiment par celui de malentendus…
Il regagne Vichy satisfait mais l’un de ses proches, témoin
de l’entretien, conclut :
« Le Maréchal s’est laissé rouler. Cet homme qui avait
mangé du tigre s’est pris aux ressorts d’un piège à rats. »
Flandin se cabre, convoque les journalistes étrangers
présents à Vichy, lève la censure, leur déclare que le Maréchal est résolu à
tenir Laval écarté du pouvoir.
À Paris, Abetz se déchaîne, pousse les journalistes
collaborateurs qu’il finance à dénoncer Flandin comme l’homme du double jeu « qui
est considéré dans les milieux diplomatiques comme complètement déconsidéré ».
Marcel Déat, Doriot, les pronazis déclarés, organisent des
meetings, dénoncent les « réactionnaires de Vichy ».
Déat crée un nouveau parti, le Rassemblement national
populaire , national-socialiste.
Les pressions allemandes s’accentuent.
Abetz exige le renvoi de Flandin.
« Le Führer, dit-il, envisage l’annulation de tous les
laissez-passer, la fermeture absolue de la ligne de démarcation, l’interdiction
d’appliquer les derniers décrets et actes constitutionnels du gouvernement en
zone occupée. »
Ainsi il ne peut être question de reconnaître le Conseil
national que vient de créer Pétain, et dans lequel se côtoient membres de l’Académie
française, notabilités religieuses, artistes, anciens parlementaires, et où
Jacques Doriot voisine avec le pasteur Boegner, président de la Fédération
protestante de France…
Le Conseil national doit incarner l’union des Français
autour du Maréchal.
En fait, jamais la guerre des clans, le heurt des ambitions
n’ont été aussi forts.
Laval croit à son retour au pouvoir.
« Et le Maréchal, que devient-il dans vos projets ?
lui
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