1941-Le monde prend feu
collaboration et qui fondent en cette année 1941 le mouvement Libération
Nord , se trouvent à Vichy en janvier 1941 et décrivent « l’atmosphère
trouble et empoisonnée de la petite capitale de la trahison, la vaine agitation
de l’hôtel du Parc, devenu siège du gouvernement ».
Une guerre sourde oppose les partisans du retour de Laval à
ceux qui soutiennent Flandin, et à ceux qui poussent l’amiral Darlan.
« Invraisemblable climat de conspiration frelatée de
cette grotesque scène politique », note Texcier.
Christian Pineau parcourt les rues de Vichy « encombrées
d’officiers élégants, porteurs de décorations de la défaite, de fonctionnaires
vêtus avec sévérité, de cette horde de jeunes femmes qui suivent toutes les
grandes administrations dans leurs déplacements.
« Les boutiques de confiseries regorgent de pastilles
blanches ; le bureau de tabac qui fait l’angle de l’avenue de la Gare vend
des cigarettes anglaises. Aux kiosques sont affichés des journaux suisses, La
Tribune de Genève , La Tribune de Lausanne. Dans les cinémas passent
de vieux films américains ».
Pineau rencontre le général de La Laurencie, qui a été
délégué général du gouvernement de Pétain dans les territoires occupés, après
avoir siégé au tribunal militaire qui a condamné de Gaulle à mort, le 2 août
1940.
En janvier 1941, La Laurencie a changé.
« Le Maréchal est gâteux, dit-il. Les ministres sont
pourris. Tout cela est trahison et compagnie. »
La Laurencie veut prendre la tête de la Résistance et
constituer le gouvernement de la nouvelle République.
« Ne croyez-vous pas, dit Pineau, que le général de
Gaulle… »
La Laurencie sourit avec indulgence.
« Nous le nommerons gouverneur militaire de Strasbourg… »
Il y a moins dérisoire et plus grave, plus inadmissible et
plus criminel que les ambitions de La Laurencie.
Le ministre Peyrouton du gouvernement de Vichy, cédant aux
pressions nazies, livre aux Allemands, le 26 décembre 1940, l’industriel
Fritz Thyssen, réfugié à Nice avec sa femme. Le commissaire français chargé de
les conduire à Vichy leur ment. « J’ai dit à M. et M me Thyssen
qu’il s’agissait d’examiner leur situation d’étrangers. »
Thyssen a rompu avec le nazisme après avoir contribué à l’accession
de Hitler au pouvoir. Il fait confiance aux Français.
Durant le voyage, il parle librement, n’imaginant pas que l’un
des passagers de la voiture est un kriminal Kommissar allemand.
Les Thyssen seront livrés aux nazis au pont de la Madeleine,
à Moulins, sur la ligne de démarcation.
Un mois plus tard, le 29 janvier 1941, Peyrouton remet
à la Gestapo l’ancien député social-démocrate Rudolf Hilferding, auteur d’un
ouvrage sur Le Capital financier. Flandin lui avait accordé un visa de
sortie de France que Peyrouton a ignoré, livrant Hilferding.
Celui-ci se serait suicidé à Paris où les nazis l’ont
incarcéré.
Flandin qui a tenté de sauver Hilferding n’a trouvé aucun
appui auprès du Maréchal.
Le vieillard de quatre-vingt-cinq ans, digne et droit, souriant
et bienveillant, embrasse les enfants que les mères lui présentent dans les
jardins de l’hôtel du Parc où, à petits pas, il promène chaque jour sa noble
stature. Mais il est resté insensible au sort des exilés allemands.
Pétain aime le pouvoir.
Il joue de sa surdité pour ne pas répondre à Flandin. On dit
qu’il n’a qu’une ou deux heures de lucidité chaque jour et que, vite las, il s’enfonce
après avoir reçu quelques visiteurs, parafé des documents, dans une
indifférence et un mutisme séniles.
Mais peut-être n’est-ce là qu’un simulacre, une manière de
conserver la totalité du pouvoir en se dérobant, le plus longtemps possible, en
évitant de choisir entre les clans, en laissant chacun de ceux qui l’approchent
dans l’incertitude.
Ainsi l’ambassadeur des États-Unis, l’amiral Leahy, s’efforce-t-il
de gagner sa confiance.
Pétain constitue pour le moment, estime-t-on à Washington,
« le seul élément puissant du gouvernement français, fermement résolu à ne
pas passer à l’Allemagne ».
Et les apparences vont dans ce sens.
Pétain n’a-t-il pas renvoyé Laval ? Ne résiste-t-il pas
aux pressions nazies, et particulièrement à celles exercées par Otto Abetz, le « petit
jeune homme de la rue de Lille », l’ambassadeur de Hitler à
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