1941-Le monde prend feu
politiques. Il faut insuffler aux troupes l’esprit patriotique, la
fidélité au parti bolchevique et le sens du sacrifice.
Les vieux maréchaux, Boudienny – un « homme doté d’une
immense moustache mais d’un très petit cerveau » – qui commande l’axe
du sud-ouest (Ukraine, flotte de la mer Noire), Vorochilov (axe nord-ouest
Leningrad, la Baltique et sa flotte) sont d’anciens de la guerre civile des
années 1920. Ils sont favorables à la propagande politique dans l’armée. Timochenko –
qui commande l’axe du Centre, Smolensk – est plus réservé.
Et il en est de même des jeunes généraux, et d’abord Joukov
qui ose tenir tête à Staline, mais aussi Tolboukhine, Rokossovki, Koniev.
Mais quel que soit leur point de vue, ils veulent arrêter
les Allemands.
Ils ont constitué une ligne de défense à l’est de Smolensk. Ils
disposent d’une arme nouvelle, les Katioucha, des mortiers lanceurs d’obus-fusées
qui, tirés par plusieurs tubes accolés, explosent dans un fracas de tonnerre.
« Les explosions simultanées de douzaines d’obus frappent
les imaginations. Pris de panique, les Allemands s’enfuient de la zone des
explosions. On voit même des soldats russes à qui il avait fallu cacher qu’on
allait employer de nouvelles armes s’éloigner en hâte de la ligne de front »,
explique un général.
La Blitzkrieg est brisée.
Du temps est gagné pour préparer la défense de Moscou.
Le climat au cours de ces semaines perdues va changer.
La pluie peut venir vite, dès septembre, transformant la
poussière, la terre en boue, bloquant les divisions de Panzers. Après les
averses, ce sera le gel, les moteurs qu’on ne peut mettre en route, les
températures pouvant descendre à moins 40 degrés !
Les Russes se souviennent de Napoléon, de la retraite de la
Grande Armée ; de la Bérézina, ce fleuve que viennent de franchir les
Panzers de Guderian.
Mais il y aura le retour…
« C’est une guerre moche, confie un capitaine à
Alexander Werth. Vous ne pouvez vous imaginer quelle haine les Allemands ont
suscitée dans notre peuple. Il y a dans l’armée Rouge des hommes assoiffés de
vengeance. Nos officiers ont quelquefois du mal à empêcher nos soldats de tuer
les prisonniers allemands. »
Alexander Werth et quelques autres journalistes vont
parcourir ces villages qui appartiennent au cœur de la Russie, cette Moscovie
dont Smolensk est le joyau.
Ils sont détruits. Quelques femmes, des enfants, des
vieillards errent parmi les ruines.
Les Allemands ont incendié les maisons après les avoir
pillées. Puis, menacés d’encerclement par une contre-attaque russe, ils se sont
repliés.
Dans la ville de Yelna, le seul bâtiment qui a échappé aux
flammes est une église de pierre. Les civils ont été contraints de s’y
rassembler et les Allemands s’apprêtaient sans doute à y mettre le feu, puis
les Russes sont arrivés.
Mais les massacres de civils ne se comptent plus.
Durant cette visite au front de Smolensk, Alexander a pu
interroger trois aviateurs allemands.
« Ils soutenaient que la guerre contre la Russie avait
été rendue inévitable par la guerre contre l’Angleterre. Là-bas et ici, c’était
la même guerre : quand la Russie aurait été abattue, l’Angleterre serait
vite à genoux.
« Tous trois étaient arrogants et s’enorgueillissaient
d’avoir bombardé Londres et avaient la certitude que Moscou tomberait avant l’hiver. »
19.
Moscou
avant l’hiver ?
Les généraux de la Wehrmacht ont l’optimisme moins « arrogant »
que celui des trois aviateurs de la Luftwaffe prisonniers des Russes.
Von Bock qui a réalisé une percée de 720 kilomètres se
heurte après Smolensk à une résistance farouche des Russes. Von Leeb qui avance
vers Leningrad constate lui aussi l’acharnement au combat des nouvelles unités
russes. Le maréchal von Rundstedt, qui opère au sud, vers Kiev, rencontre les
mêmes difficultés.
Tous pensent cependant que le plan Barbarossa se
réalise dans de bonnes conditions. Et les généraux qui commandent les
Panzerdivisionen, ainsi Guderian, sont partisans de lancer leurs chars vers
Moscou.
Ils croient toujours à l’efficacité de la Blitzkrieg.
Hitler les écoute, soliloque :
« J’ai résolu d’effacer Leningrad de la surface de la
terre, dit-il. Lorsque la Russie sera terrassée, l’existence de cette ville ne
présentera plus d’intérêt.
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