1941-Le monde prend feu
Mon intention est de la faire raser jusqu’aux
fondations par l’artillerie et par un bombardement aérien ininterrompu. »
Il veut qu’on repousse toute offre de reddition de Leningrad.
« Ce n’est pas et ce ne devrait pas être à nous de
résoudre le problème de la survivance de sa population, à savoir son
ravitaillement. Dans le combat où notre existence est en jeu, il est contraire
à notre intérêt de ménager la population de cette ville, n’en serait-ce qu’une
fraction. »
Tout à coup, Hitler s’interrompt, s’emporte, il accuse ses
généraux et d’abord le haut commandement de la Wehrmacht, de ne pas envisager d’autres
objectifs que Moscou, alors que le Reich doit s’emparer du grenier à blé qu’est
l’Ukraine puis marcher vers le Caucase et ses ressources pétrolières.
Le 21 août, il interpelle violemment le général Halder
et le maréchal von Brauchitsch.
Hitler martèle chaque mot, n’admettant aucune réplique, son
choix est fait, répète-t-il.
« L’objectif principal à atteindre avant l’hiver est
non pas la prise de Moscou mais au sud de nous emparer de la Crimée, du bassin
minier du Donetz et des gisements pétrolifères du Caucase ; au nord d’investir
Leningrad et d’opérer la jonction avec les armées finlandaises. Seulement alors
seront réalisées les conditions qui nous permettront d’attaquer l’armée de
Timochenko, devant Moscou, et de la vaincre. »
Il accuse ses généraux, ses maréchaux, exprimant son mépris
par une mimique qui déforme le bas de son visage.
« Le haut commandement, dit-il, donne asile à “des
cerveaux fossilisés” dans des théories archaïques. »
Halder envisage de démissionner, avec Brauchitsch, mais
celui-ci s’y refuse. À quoi cela servirait-il ? Ils peuvent être utiles à
la Wehrmacht et à l’Allemagne en restant à leur poste !
Une fois de plus, Halder s’incline.
« Le Führer, dit Halder, est obsédé par son désir de s’emparer
à la fois de Leningrad et de Stalingrad car il se persuade que la chute de ces
deux cités saintes du communisme entraînera celle de la Russie tout entière. »
Guderian, le 23 août, plaide encore pour une offensive
immédiate sur Moscou.
« Hitler me laisse parler jusqu’au bout, raconte
Guderian, puis le Führer me répond calmement, mais une moue de dédain cerne sa
bouche. »
« Le Reich, dit Hitler, a besoin des matières premières
industrielles et des produits agricoles de l’Ukraine. Il faut neutraliser la
Crimée, ce véritable porte-avions soviétique susceptible de servir à l’attaque
des puits de pétrole de Roumanie. »
Il s’interrompt, croise les bras et, campé devant Guderian, il
déclare :
« Mes généraux ne connaissent rien à l’aspect
économique de la guerre. Mes ordres sont d’ores et déjà donnés. L’attaque de
Kiev reste l’objectif immédiat et toutes les opérations doivent être conduites
à cette fin. »
« À chaque phrase du Führer, confie Guderian, les
généraux présents – Keitel, Jodl et autres – opinent religieusement
de la tête. Je demeure seul contre tous. »
L’offensive de von Rundstedt contre Kiev va donc commencer. Des
renforts d’infanterie et de Panzers sont ramenés depuis le front central vers
le sud.
Et il n’est plus question d’attaquer Moscou.
L’armée de von Bock et les Panzers de Guderian attendent la
chute de Kiev.
Le lieutenant von Kageneck avance vers la capitale de l’Ukraine.
On franchit le Dniepr par l’unique pont capable de supporter une division
blindée. Puis on roule à travers d’immenses forêts. Et les pluies d’automne
commencent à tomber dru, transformant le sol en boue.
« Une boue sans fond, tenace, collante, qui prend tout,
qui tient tout, et ne lâche plus rien. »
Les Panzers ne réussissent à progresser que de cinq à huit
kilomètres par jour au lieu de trente.
« Nous faisons tirer nos voitures, nos canons, nos
cuisines roulantes par nos chars et par des tracteurs pris aux Russes, raconte
Kageneck. Mettre un pied devant l’autre demande un effort surhumain. Et il faut
cependant se battre, contre des soldats russes déterminés, qu’appuient de
nouveaux chars aux larges chenilles qui leur permettent d’avancer dans la boue.
Et ces T34 ont un blindage qui résiste à nos obus. »
Kiev tombe le 16 septembre 1941.
« C’est la plus grande bataille de l’histoire mondiale »,
affirme
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