1941-Le monde prend feu
appris que Churchill et
Roosevelt, lors de leur dernière rencontre en janvier 1941, sont convenus de
considérer, si les États-Unis entrent dans la guerre, l’Allemagne comme leur ennemi
principal, le Japon venant après.
Ribbentrop, sans rapporter cet accord Roosevelt-Churchill, insiste
pour que le Japon, au lieu d’envisager une guerre contre les États-Unis, les
laisse s’engourdir dans leur neutralité et songe plutôt à attaquer l’Empire
britannique affaibli.
Et ces attaques dissuaderaient les États-Unis d’entrer dans
la guerre.
« Le Reich et le Japon sont sur le même navire, conclut
Ribbentrop. Une défaite allemande signifierait aussi la fin de l’idée impériale
japonaise. L’intérêt du Japon est de s’assurer pendant la guerre les positions
qu’il souhaite avoir à la conclusion de la paix. »
La paix ?
Les élites japonaises, rassemblées dans la Société des
fondements du pays, la Kokuhonsha, pensent que le Japon a une mission
spéciale en Asie et que tout ce qui s’oppose à cette mission doit être brisé
par la force.
En 1904, le Japon avait envoyé par le fond la flotte russe
et vaincu l’empire des tsars.
En 1941, les États-Unis s’opposent aux ambitions japonaises.
Si l’on détruit leur flotte, comme on a détruit la flotte
russe, les États-Unis laisseront l’expansion japonaise se déployer en Asie du
Sud-Est.
Le samedi 6 décembre 1941 – le jour où Joukov
déclenche la contre-offensive russe devant Moscou – le président Roosevelt
écrit à l’empereur du Japon, Hirohito :
« Nous, chefs d’État, avons le devoir sacré de
restaurer l’amitié traditionnelle entre nos deux pays. »
Mais ce même 6 décembre 1941, les avions japonais
embarqués à bord des porte-avions de la flotte impériale s’apprêtent à décoller
pour aller bombarder la flotte américaine ancrée dans la rade de Pearl Harbor, dans
les îles Hawaii.
38.
« Quel magnifique spectacle ! » s’exclama le
général Short, commandant la garnison de Pearl Harbor. Dans cette nuit du
samedi 6 décembre 1941, il regardait, depuis la terrasse du club des
officiers, les quatre-vingt-seize navires ancrés dans la rade. Ils étaient pour
la plupart illuminés. Les huit cuirassés, souvent amarrés à un autre navire, formaient
une allée majestueuse le long de l’île Ford, au centre de la rade. Les feux de
position, les lumières accrochées à la tête des mâts, les hublots éclairaient
les hangars, les réservoirs de mazout, les bassins, les grues de ces masses d’acier,
le cœur de la flotte américaine du Pacifique. Il éprouva un sentiment de
puissance.
À Pearl Harbor, dans cette île d’Oahu, le joyau de Hawaii, territoire
des États-Unis depuis la fin du XIX e siècle, au milieu du
Pacifique, à 3 500 kilomètres de Los Angeles, à 5 500 kilomètres
du Japon et à 7 000 kilomètres de l’Australie, l’Amérique affirmait
sa force. Chaque cuirassé portait le nom d’un État : Arizona, Oklahoma,
California , West Virginia, Maryland, Nevada, Pennsylvania, Tennessee. Ne
manquaient à la flotte que deux porte-avions, le Lexington et l’ Enterprise qui étaient en mer, transportant des avions aux îles de Wake et de Midway, ces
autres points d’appui américains dans le Pacifique. Avec l’île de Guam, ils
étaient les avant-postes des États-Unis face au Japon de l’empereur Hirohito, qui,
depuis 1937, faisait la guerre à la Chine et rêvait d’étendre son empire.
L’amiral Kimmel, qui commandait la flotte, avait voulu que
tous les cuirassés soient rassemblés à Pearl Harbor ce week-end, puisque les
porte-avions ne pouvaient assurer leur protection.
Le général Short fit quelques pas. La nuit était d’une
douceur estivale. Au-dessus d’Honolulu – situé à quelques kilomètres à l’ouest
de Pearl – le ciel était irisé par les lumières des deux tours jumelles, le
Royal Hawaiian Hotel et le Elk’s Club, qui dominaient la ville. La brise
apportait par moments des bouffées d’air de musique de danse. En cette nuit du
samedi au dimanche, tous les bars étaient pleins de permissionnaires. On
dansait aussi dans les clubs, les cercles d’officiers, sur les bases aériennes
de Hickam et Wheeler, dans les forts, à Schofiel Barracks et Fort Shafter.
Le général Short se tourna vers le nord, vers ces collines
sombres qui fermaient la baie. Là, les lumières joyeuses de la côte n’entamaient
pas l’obscurité de
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