1941-Le monde prend feu
Il a bu, fumé. Il a comme toujours irrité le chef d’état-major
impérial, le général Alan Brooke.
Mais Churchill se mêle de tout, en dépit des mines
scandalisées des généraux.
On dit de lui qu’il « colle ses doigts dans chaque
gâteau avant qu’il ne soit cuit ».
Le général Brook ne cesse de répéter :
« À coup sûr, de tous les hommes que j’ai rencontrés, c’est
le plus difficile avec qui travailler, mais pour rien au monde je ne manquerais
cette chance de travailler avec lui. »
Et c’est cela l’essentiel.
« À la guerre, a l’habitude de dire Churchill, ce qui
compte ce n’est pas d’être gentil et de plaire, c’est d’avoir raison ! »
À la fin de ce dimanche 7 décembre 1941, on apporte un
message en provenance de Washington : la base navale de Pearl Harbor a été
attaquée par l’aviation et des sous-marins japonais.
Churchill bondit. Il doit parler aussitôt avec Roosevelt, obtenir
confirmation, car cette attaque va faire basculer les États-Unis dans la guerre,
changer ainsi le cours des choses, l’ordre du monde.
En attendant qu’on établisse la communication, il ne peut
rester en place, analyse déjà les conséquences de l’événement, s’interrompt, et
dit :
« Aucun amant ne s’est jamais penché avec autant d’attention
sur les caprices de sa maîtresse que je ne l’ai fait moi-même sur ceux de
Franklin Roosevelt. »
Il sait qu’on prête à Roosevelt le mot :
« Winston a cent idées par jour, dont trois ou quatre
sont bonnes, les mauvaises langues ajoutant : le malheur, c’est qu’il ne
sait pas lesquelles. »
Churchill hausse les épaules, s’impatiente. Il veut établir
avec les États-Unis entrés dans la guerre une « special relationship »,
une Grande Alliance étendue à Staline, même si l’on dit se méfier de lui. Mais
ce sont les Russes qui tuent 95 % des Allemands. On ne peut pas l’oublier.
Il se précipite vers le téléphone qu’on lui tend.
Roosevelt confirme l’attaque de Pearl Harbor et conclut :
« Nous voilà tous dans le même bateau ! »
Enfin !
Churchill jubile.
« Avoir les États-Unis à nos côtés fut pour moi une
joie insigne », dit-il.
Il ne peut prédire le cours des événements, prendre la
mesure de la force japonaise, mais l’essentiel était l’entrée dans la guerre
des États-Unis.
« Ils y sont jusqu’au cou et jusqu’à la mort ! »
Personne ne peut dire combien dureront les hostilités et la
manière dont elles se termineront, mais l’issue du combat ne fait plus de doute.
« Nous ne serons pas anéantis, notre histoire ne s’achèvera
pas. Nous n’aurons peut-être même pas à mourir en tant qu’individus. Le destin
de Hitler est scellé. Le destin de Mussolini est scellé. Quant aux Japonais, ils
vont être réduits en poussière. »
Et lui, Churchill, sera le pivot de cette Grande Alliance, le Warlord de cette spécial relationship !
Il ne peut interrompre, ou modérer, le tourbillon de ses
pensées. L’idée même de s’endormir lui fait horreur. Le temps n’est pas au
sommeil.
« Winston est un autre homme depuis que l’Amérique est
entrée en guerre, dit son médecin qui l’observe. C’est comme si, en un
tournemain, il avait été remplacé par quelqu’un de plus jeune. »
Mais Churchill n’est pas homme à se contempler. Il agit. Il
ordonne qu’on prépare son déplacement aux États-Unis. Il doit rencontrer
Roosevelt, lui rappeler l’accord intervenu en janvier 1941 et qui fait de l’Allemagne
l’ennemi principal.
Or, frappés à Pearl Harbor, les États-Unis vont être tentés
de faire du Pacifique, de l’Asie, le centre majeur de leur stratégie.
Or, le cœur, selon Churchill, doit être l’Europe.
Il se rendra donc aux États-Unis à bord du cuirassé Duke
of York qui appareillera le 12 décembre 1941.
Il va rappeler à Roosevelt que le but premier de la Grande
Alliance, c’est la destruction de l’Allemagne de Hitler. Après viendra le tour
du Japon.
40.
Hitler, ce dimanche 7 décembre 1941, écoute l’un de ses
aides de camp lui relire le message qui annonce l’attaque japonaise sur Pearl
Harbor.
Il reste immobile, enfoncé dans ce canapé qui occupe toute
une cloison de l’une des salles du grand quartier général du Führer situé au
cœur de la forêt de la Prusse-Orientale.
Tout à coup, le Führer se lève, commence à aller et venir
dans la salle, au
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