1942-Le jour se lève
plus
stérile qu’on puisse imaginer » ! Trois cuirassés, huit croiseurs, dix-sept
contre-torpilleurs, seize torpilleurs, seize sous-marins, sept avions, trois
patrouilleurs, une soixantaine d’autres navires sont allés par le fond ! Seuls
quelques bâtiments ont réussi à fuir.
« Quant à moi, dit de Gaulle, submergé de colère et de
chagrin, j’en suis réduit à voir sombrer au loin ce qui avait été une des chances
majeures de la France. »
Un nouveau crime de Vichy contre la nation ! Quelle
tragédie, quel gaspillage !
Naturellement, les Anglais acceptent de laisser de Gaulle
commenter l’événement à la BBC !
Il écrit, en pesant chaque mot, parce qu’il faut que le
chagrin devienne leçon et appel au combat.
« En un instant, dit-il, les chefs, les officiers, les
marins virent se déchirer le voile atroce que depuis juin 1940 le mensonge
tendait devant leurs yeux. »
Il ajoute : « Un frisson de douleur, de pitié, de
fureur a traversé la France entière… C’est un malheur qui s’ajoute à tous les
autres malheurs. »
Car cette même nuit du 26 au 27 novembre 1942, la Wehrmacht
envahit, sur tout le territoire de l’ancienne zone libre, les casernes où, respectueuses
de l’ordre de Vichy, les « troupes de l’Armée de l’armistice sont
consignées ».
Livrées au bon vouloir de l’occupant.
Dans le fracas de leurs moteurs, les unités de la Wehrmacht
entrent dans les cours des casernes.
« Les SS, les feldgendarmes, enfoncent les portes, hurlent
des commandements. Les soldats français sont jetés dehors, en chemise, désarmés.
Ils devaient se battre, les voici comme aux pires jours du
printemps de 1940, humiliés.
Ce 27 novembre 1942 se dissipe l’illusion, se dévoile
le mensonge. Le gouvernement de Vichy révèle son imposture.
Il n’a été que le pouvoir de la débâcle et de la soumission
à l’ennemi.
Ce 27 novembre 1942, de Gaulle, à la radio de Londres, comme
le 18 juin 1940, appelle les Français à « effacer par la victoire
toutes les atroces conséquences du désastre et de l’abandon ».
« Vaincre, dit de Gaulle, il n’y a pas d’autre voie, il
n’y en a jamais eu d’autre ! »
37 .
Le V de Vaincre, le V de Victoire, en cette
fin de l’année 1942, des mains anonymes le tracent sur les murs des villes
occupées par les Allemands.
Les soldats de la 8 e armée britannique, celle
de Montgomery, le dessinent avec leurs doigts levés.
Les Marines américains qui se battent contre les
Japonais dans l’île de Guadalcanal le forment aussi.
Et les soldats américains débarqués sur les côtes marocaines
et algériennes les imitent quand, enfin, les Français aux ordres de l’amiral
Darlan cessent de les combattre, un armistice ayant été signé entre autorités
françaises et américaines.
Roosevelt a approuvé le décret par lequel, le 4 décembre
1942, l’amiral Darlan déclare assumer les fonctions de chef de l’État en
Afrique du Nord ; et de commandant en chef des Forces militaires navales
et aériennes avec l’assistance d’un Conseil impérial où trône le général Giraud.
Darlan et ce Conseil impérial laissent en place, dans toute
l’Afrique du Nord, la législation antisémite – et antimaçonnique – de
Vichy ! De Gaulle proteste.
Mais à Londres, on le bâillonne à nouveau ! La BBC lui
est interdite.
Ainsi, le V de Vaincre et le V de Victoire, en
ces mois de novembre et de décembre 1942, ne sont pas encore tracés d’une main
ferme.
C’est comme si le fléau de la balance hésitait à pencher
nettement du côté de la victoire des Alliés, s’il laissait de l’espoir aux
puissances de l’Axe.
Les Allemands « tiennent » encore toute l’Europe
sous leur joug. Ils traquent les résistants. Ils exterminent les Juifs.
Les troupes de l’Axe ont abandonné la Cyrénaïque et la Libye,
mais Allemands et Italiens ont occupé la Tunisie et s’y retranchent.
Les Américains sont à Casablanca et à Alger, mais ils ont dû
accepter d’y reconnaître le pouvoir des vichystes.
Seuls de Gaulle et les forces de la Résistance française
protestent avec le sentiment d’avoir été trahis.
Roosevelt,
maître d’œuvre de cette politique, se félicite de son succès. Churchill
approuve et Staline comprend, en cynique et en réaliste, se souvenant qu’il
avait signé en août 1939 un pacte de non-agression avec Hitler.
Le
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