1942-Le jour se lève
maréchal Pétain adresse une lettre secrète à Laval, sorte
de testament dans lequel Pétain, qui a abandonné tous les pouvoirs, rappelle :
« Moi seul peux déclarer la guerre et je ne peux la
faire sans l’assentiment préalable des assemblées législatives ».
Pétain veut éviter le pire !
Une sorte de remords hante ce vieillard de quatre-vingt-six
ans.
Il interroge ceux qui viennent lui présenter leur démission :
« Croyez-vous toujours que je suis un bon Français ? »
Quant à Laval, comme perdu dans un rêve, il soliloque devant
ceux qui quittent le gouvernement et expliquent leurs raisons.
« Moi, que voulez-vous, dit-il, je joue la partie comme
si les Allemands devaient gagner la guerre. Les Allemands gagneront-ils la
guerre ? Je n’en sais rien, je ne suis pas madame de Thèbes… Plus ça va, moins
je crois que c’est vrai… Mais j’estime qu’un double jeu en politique, ça ne
signifie rien.
« Il y a deux hommes qui peuvent rendre service à leur
pays, c’est le général de Gaulle et moi.
« Si les Allemands gagnent la guerre ou peuvent arriver
à une paix de compromis, faisant actuellement avec eux une politique loyale qui
ne soit pas une politique de marchandage, peut-être pourrai-je rendre encore
service à mon pays et discuter avec les Allemands un traité de paix honorable.
« Si les Allemands sont battus, le général de Gaulle
reviendra. Il a avec lui – je ne me fais aucune espèce d’illusion – 80
ou 90 % de la population française, et moi je serai pendu. Qu’est-ce que
ça peut bien me faire ?
« Il y a deux hommes qui actuellement peuvent sauver
notre pays ; et si je n’étais pas Laval, je voudrais être le général de
Gaulle. »
De Gaulle, en cette deuxième quinzaine de novembre 1942, veut
faire entendre la voix de la France Libre, du Comité national français qu’il a
constitué pour représenter cette France Combattante.
Mais sur l’ordre de Churchill – appliquant les choix de
Roosevelt –, de Gaulle, à Londres, est bâillonné. Il est interdit de BBC. Mais
ses discours sont diffusés par les radios de la France Libre, à Brazzaville, à
Beyrouth, à Douala.
Il dénonce le soutien apporté aux « traîtres de Vichy »
qui gouvernent à Alger, par la volonté des Américains.
Il apprend que l’amiral Darlan n’est plus pour Churchill « le
scélérat, le misérable, le renégat » que le Premier ministre britannique
condamnait.
Churchill dit : « Maintenant, Darlan a fait
davantage pour nous que de Gaulle ! »
De Gaulle fait face, ne quittant Carlton Gardens – le
siège de la France Libre – que tard le soir.
Il doit, en dépit des obstacles, de la lâcheté qui est la
plaie purulente du monde des « élites », continuer et « au
milieu des secousses tâcher d’être intraitable, par raisonnement autant que par
tempérament ».
Il sait qu’à Londres, comme à Berlin, à Vichy, comme à Alger,
Churchill comme Hitler, Laval comme Darlan pensent à la flotte française –
moderne, puissante – ancrée à Toulon. Les amiraux – le comte Jean de
Laborde et l’amiral Marquis – qui la commandent sont des fidèles de Pétain.
Ils ont déjà refusé d’obéir à l’amiral Darlan qui leur a
demandé d’appareiller pour Alger ou Oran.
Darlan est devenu pour eux un « rebelle » passé
aux Anglais. Et ils sont anglophobes, satisfaits des garanties que les
Allemands leur ont prodiguées, s’engageant à ne pas pénétrer à Toulon. L’amiral
Laborde, remercié, se félicite :
« Cette situation est uniquement due aux sentiments d’admiration
inspirés aux hautes autorités de l’Axe par la conduite de nos marins », a-t-il
écrit dans un ordre du jour du 15 novembre.
Les consignes que Laborde et Marquis ont reçues de Vichy –
de l’amiral Auphan, chargé de la Marine dans le gouvernement de Laval – les
satisfont. Ils doivent « s’opposer sans effusion de sang à l’entrée des
troupes étrangères » dans les établissements de la Marine ou à bord des
bâtiments de la flotte.
« En cas d’impossibilité, ils doivent saborder les
bâtiments. »
Les Allemands, le 27 novembre, à 5 h 25, forcent
les portes de l’arsenal.
L’amiral Marquis a été fait prisonnier dès 4 h 50.
À 5 h 25, l’amiral Laborde annonce : « Je
donne l’ordre de sabordage : faites de même. »
C’est le « suicide le plus lamentable et le
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