1942-Le jour se lève
27 novembre 1942, Staline écrit à Churchill :
« Quant à Darlan, je pense que les Américains ont fait
de lui un habile usage afin de faciliter l’occupation de l’Afrique
septentrionale et occidentale.
« La diplomatie militaire doit savoir utiliser pour ses
buts de guerre non seulement les Darlan, mais encore le diable et la grand-mère
du diable. »
Est-ce donc bien la « fin du commencement » ?
Les Japonais s’accrochent à l’île de Guadalcanal et, après
les victoires navales de la mer de Corail et de Midway (printemps 1942), les
Américains connaissent des revers dans les îles Salomon.
Dans la « bataille de l’Atlantique », les meutes
de U-Boot obtiennent dans les eaux glacées des mois de l’automne et de l’hiver
1942-1943 de tels succès contre les convois alliés qu’il semble que les
sous-marins allemands vont l’emporter.
De Gaulle, dès le 11 novembre 1942, a analysé cette
situation encore incertaine – militairement, politiquement.
« Pour affaibli qu’il soit, l’ennemi demeure, puissant,
habile, résolu, a-t-il dit. Pour renforcés que nous soyons, nous portons encore
en nous-mêmes bien des éléments de faiblesse ! Après tant de revers subis,
les démocraties ont pu, certes, savourer leurs premiers succès. Mais il leur
reste à briser la plupart des positions matérielles et morales à l’abri
desquelles l’adversaire domine une grande partie du monde.
« Il leur reste à imposer leur force afin de dicter
leur loi. Il leur reste à gagner la guerre. »
Hitler, Staline, Churchill, Roosevelt, de Gaulle savent, comme
les peuples, qu’en ces mois de novembre et décembre 1942, le sort de la guerre
se joue sur les rives du Don et de la Volga, à Stalingrad.
38 .
Stalingrad, en cette mi-novembre 1942, est un champ de
ruines.
La VI e armée du général Paulus a réussi à
avancer jusqu’à moins de 300 mètres de la rive droite de la Volga.
La Rattenkrieg, la « guerre de rats », se
poursuit, impitoyable.
Les fantassins se terrent dans les caves, les égouts. Ils
creusent sapes et tunnels.
La bataille de Stalingrad est ainsi faite d’une série de « guerres
locales ».
Dans tous les quartiers de la ville, des centaines d’hommes
s’entretuent pour le contrôle de quelques pans de mur.
Les Allemands font intervenir en appui deux ou trois panzers
que les Russes laissent passer, puis ouvrent le feu avec leurs canons antichars.
Tout le secteur s’embrase. Les « snipers » guettent, abattent les
hommes qui tentent de passer d’un tunnel, d’un trou à l’autre.
Le général Paulus, le 11 novembre, lance une offensive
dont il espère qu’elle liquidera les noyaux de résistance russes.
Quelques groupes d’Allemands, ici et là, atteignent la rive de
la Volga, mais ils sont vite isolés par les contre-attaques russes.
Ces combats féroces se poursuivent durant quatre jours entre
des hommes soûls d’alcool et de benzédrine.
On ne fait plus de prisonniers, on tue – on égorge, on
éventre – à l’arme blanche.
Puis c’est l’accalmie.
L’offensive Paulus a échoué.
Dans le « chaudron de Stalingrad », cet enfer
pantelant, on ramasse les blessés, on se terre à nouveau.
On attend.
Le général de la Luftwaffe Richthofen fait une
reconnaissance aérienne.
Il survole la boucle du Don, repère les sapeurs de la
Wehrmacht en train de miner le dernier pont, celui de Kalatch, par où passent
renforts et approvisionnements à destination de la VI e armée, celle
de Paulus, enterrée dans le chaudron de Stalingrad.
Au nord du chaudron comme au sud, il identifie les troupes
roumaines et italiennes qui protègent les flancs du chaudron.
Il suffirait que ces troupes cèdent pour que Paulus et ses
hommes soient encerclés.
Richthofen survole les positions russes, de part et d’autre
du chaudron, sur la rive gauche de la Volga.
« Les réserves russes sont maintenant en place, note-t-il.
Quand, je me le demande, l’attaque se déclenchera-t-elle ? Il semble que
les Russes soient actuellement à court de munitions, à moins qu’ils ne tirent
pas afin de ne pas être repérés, car les pièces commencent à apparaître sur les
emplacements d’artillerie. Espérons que les Russes ne feront quand même pas
trop de dégâts dans nos lignes… »
Richthofen n’imagine pas que les Russes ont concentré 500 000 hommes,
900 chars T34 neufs, 230 régiments d’artillerie de
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