1943-Le souffle de la victoire
la
circulation… Je suis si déprimé que j’ai de la peine à faire mon travail. Peut-être
quelqu’un d’autre verrait-il plus clair dans cette situation et serait-il
capable d’en sortir quelque chose. »
Mais il est déchiré par des sentiments contradictoires.
Quand il apprend qu’en raison de son état de santé il va
être relevé de son commandement, et que son successeur sera le général italien
Messe qui arrive directement de Russie, il s’emporte :
« Après l’expérience de cette retraite, je n’ai aucune
envie de continuer à jouer le bouc émissaire de cette bande d’incapables ! »
Mais quelques jours plus tard, il ajoute :
« J’ai décidé de ne rendre mon commandement que sur
ordre, sans tenir compte de mon état de santé. Dans une telle situation, je
veux m’accrocher, même au-delà de toute limite, même contre l’avis des médecins.
Vous comprendrez, très chère Lu, mon attitude. Le successeur qu’on m’a envoyé
de Rome pourra bien attendre son tour. »
Il ne veut pas abandonner ses soldats.
On lui rapporte du Grand Quartier Général de Hitler « les
plus chaudes congratulations du Führer dont j’ai encore toute la confiance ».
Mais il ne s’illusionne pas. Il écrit à son épouse :
« Les événements sont devenus très graves, ici en
Afrique, et à l’Est aussi.
« Nous devons prévoir la mobilisation intégrale du
travail pour tous les Allemands, sans considération de résidence, de condition
sociale, d’âge ou de capacité. Pensez-y en temps opportun, chère Lu, pour
trouver quelque chose qui vous convient. Notre fils lui-même devra bientôt
prendre sa place devant un établi ou derrière un canon antiaérien. C’est, vous
le savez bien, une affaire de vie ou de mort pour le peuple allemand.
« Je vous écris cela parce que je ne veux pas vous
farder ce qui arrivera sans doute. C’est une idée à laquelle il vaut mieux se
préparer de bonne heure afin de l’accepter plus facilement. »
On croit entendre en écho aux propos de Rommel le discours
que prononcera Goebbels, le 18 février, dans lequel il martèlera l’idée qu’il
faut conduire une guerre totale : la Totalkrieg.
Mais la lettre de Rommel précède de plusieurs semaines l’appel
de Goebbels.
Rommel s’exprime non en nazi mais en soldat, en patriote qui
croit encore à la nécessité de suivre le Führer.
Mais le désespoir ronge Rommel, alors même que la fidélité
qu’il veut exprimer à ses hommes l’habite.
Le 7 février, il décide de rejeter les avis des
médecins :
« Le docteur Horster est venu me voir hier et m’a
conseillé de commencer mon traitement aussitôt que possible. Je me révolte de
tout mon être contre l’idée de quitter ce champ de bataille tant que mes pieds
peuvent me porter. »
Quelques jours plus tard, le 12 février, alors qu’il a
décidé de ne quitter son commandement que « sur ordre », il dresse un
bilan de son action.
« Deux ans aujourd’hui que je suis arrivé en Afrique. Deux
ans de combats violents et tenaces, le plus souvent contre des ennemis très
supérieurs.
« En ce jour, je pense aux troupes courageuses qui
combattent sous mes ordres, qui ont loyalement fait leur devoir pour leur pays,
et mis toute leur confiance dans leur chef.
« J’ai essayé, moi aussi, de faire mon devoir, non
seulement dans ma propre sphère, mais aussi sur le plan plus général de notre
cause.
« Nous devons faire l’impossible pour surmonter les
dangers mortels qui nous assaillent. Malheureusement, tout n’est qu’une affaire
de ravitaillement.
« J’espère qu’on approuvera ma décision de rester avec
mes troupes jusqu’à la fin. Un soldat ne peut faire autrement. »
Mais lorsqu’il écrit à sa « très chère Lu », Rommel
ajoute, dévoilant la cause profonde de ce choix :
« À vrai dire, tout ce qu’on peut souhaiter c’est de
rester au front. »
Et d’y mourir si Dieu le veut.
« Je dois ma gratitude et mon admiration à mes troupes,
conclut-il, qui, en dépit de la retraite, de la détestable nourriture, de la
perpétuelle tension d’esprit, n’ont jamais faibli dans les pires circonstances,
gardant jusqu’à la fin la même valeur combative qu’au jour où elles prirent
Tobrouk. »
Grâce à ces qualités, « l’armée a pu faire face – selon
Rommel – à toutes les difficultés, malgré le haut commandement
germano-italien qui,
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