1943-Le souffle de la victoire
guerre.
D’un bout à l’autre du monde, des îles du Pacifique à l’océan
Glacial Arctique, des collines caillouteuses de Sicile à la région de Smolensk,
les hommes, les peuples – quelles que soient leurs responsabilités dans la
naissance du conflit – souffrent.
On meurt sous les coups de matraque dans les camps de
concentration.
On meurt étouffé dans les chambres à gaz d’Auschwitz, de
Birkenau ou de Treblinka… On hurle sous les tortures dans les caves de la
prison de Montluc à Lyon. Un ouragan de feu dévore les villes bombardées, allemandes,
françaises, italiennes, anglaises ou japonaises.
Et puis il y a la souffrance individuelle, celle des hommes
illustres comme des anonymes.
De Gaulle apprend ainsi que le 20 juillet 1943, sa
nièce, Geneviève de Gaulle, est tombée dans une souricière tendue par les « Français »
de l’équipe Bony-Laffont, la bande « gestapiste » de la rue Lauriston.
Un traître les a renseignés.
Ils se sont mis à l’affût dans une librairie, Au vœu de
Louis XIII , 68, rue Bonaparte à Paris.
C’est une des boîtes aux lettres de Défense de la France, ce
mouvement de résistance qui, le 14 juillet 1943, a eu l’audace de
distribuer dans le métro son journal clandestin Défense de la France.
Geneviève de Gaulle fait partie de ce mouvement.
Elle va être déportée au camp de Ravensbrück, elle va voir
des animaux à visage humain, elle va voir les yeux des bêtes traquées.
Souffrance pour Charles de Gaulle.
Et ces jours-là, d’autres humains, à Hambourg, à Berlin, à
Essen, dans la plupart des villes allemandes, sont enveloppés par les flammes
des bombardements.
La nuit, ce sont des escadrilles anglaises de plusieurs
centaines d’avions qui bombardent les villes.
Le jour, les mêmes villes sont écrasées sous les bombes que
larguent les Forteresses volantes américaines.
Combien de morts dans le bombardement de Hambourg lors de la
nuit du 24 au 25 juillet 1943 ? Il y avait au-dessus de la ville 791 bombardiers.
Les raids se sont succédé jusqu’aux 2 et 3 août. Les avions ont déversé 8 300 tonnes
de bombes, 900 000 personnes se sont retrouvées sans abri et il y a
eu 40 000 morts et 125 000 blessés.
L’incendie de la ville propage une chaleur de 800 degrés
et crée une aspiration d’air qui a la force d’un vent de cyclone. Au moins 20 000 immeubles
sont en feu.
Une adolescente de quinze ans raconte que sa mère l’enveloppe
dans des draps mouillés, la pousse hors de l’abri en lui criant : « Cours ! »
Une chaleur intense la saisit. Elle se trouve plusieurs fois face à un mur de
flammes. « J’avais l’impression d’être emportée par la tempête », dit-elle.
L’asphalte a fondu.
« Il y a des gens sur la route, certains déjà morts, d’autres
encore vivants mais pris dans l’asphalte… Leurs pieds s’y sont collés, puis ils
ont pris appui sur leurs mains pour essayer de se dégager. Ils sont là, sur les
mains et les genoux, à hurler… »
Si les mots ont un sens, c’est l’ENFER. ENFER.
« Nous nous trouvons dans une situation d’infériorité
impuissante, écrit Goebbels dans son Journal , et il nous faut encaisser
les coups des Anglais et des Américains avec rage et opiniâtreté. »
Le ministre de l’Armement, Albert Speer, se rend plusieurs
fois dans la Ruhr.
Des avions « destructeurs de digues », volant à
basse altitude, ont fait exploser les barrages construits sur le cours des
fleuves principaux, l’Eder et la Möhne. Les masses d’eau libérées ont inondé la
région, noyé les récoltes, détruit des usines, tué les travailleurs étrangers
et les prisonniers de guerre qui y étaient employés.
La production d’acier s’effondre. De nouveaux raids, au mois
d’août, endommagent les usines de roulements à billes.
Albert Speer explique au Führer que l’on va atteindre une
limite « au-delà de laquelle l’industrie qui fournit le matériel d’armement
peut s’effondrer complètement… À un moment donné, nous allons avoir des avions,
des chars ou des camions auxquels manqueront certaines pièces détachées… ».
Mais l’Allemand qui a retrouvé les corps de ses proches
brûlés, identifiés seulement par un bijou et une dent en or qui n’ont pas fondu,
ne se soucie que de sa survie, de la possibilité de quitter les villes, afin de
se réfugier dans les villages.
On n’écoute
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