1943-Le souffle de la victoire
l’aéroport
de Trevisio. Au moment où le Führer le quitte, Mussolini s’écrie :
« Notre cause est commune, Führer ! »
Puis, tourné vers le maréchal Keitel, le Duce ajoute :
« Envoyez-nous tout ce dont nous avons besoin, pensez
que nous sommes embarqués sur le même bateau. »
Tant que l’avion de Hitler reste en vue, Mussolini garde le
bras levé pour le salut fasciste, puis, comme ses collaborateurs l’entourent, il
dit d’une voix basse, en s’éloignant :
« Il n’a pas été nécessaire que je fasse un discours à
Hitler. »
Ambrosio cette fois-ci a compris, on ne peut plus compter
sur Mussolini. Le général dit à Bastianini, le secrétaire d’État :
« Il n’a pas pris mes paroles au sérieux. Mais il est
fou. Je te dis qu’il est fou. Ce que je lui ai dit est une chose sérieuse, très
sérieuse. »
À Rome aussi le roi va trancher. Quand il se rend vers 15 heures
dans les quartiers dévastés par les bombes anglo-américaines, les incendies ne
sont pas encore éteints, les blessés geignent ; personne ne dirige les
opérations de secours ; à l’aéroport de Ciampino, tout le personnel de la
base a fui dès l’explosion des premières bombes. Mais ce qui frappe le plus le
roi, c’est le silence glacial qui entoure sa visite : pas un
applaudissement, une réprobation muette. Quelques instants plus tard, Pie XII
est au contraire l’objet d’une ferveur émouvante.
La froideur de l’accueil populaire, le rapport du général
Ambrosio rentré de Feltre décident le roi. Il va destituer Mussolini. Il veut
oublier qu’il a accepté, soutenu la politique du fascisme. Et c’est au Duce qu’il
doit les titres d’empereur – d’Éthiopie – et de roi d’Albanie.
Mais les temps ont changé. Il faut rompre.
Le jeudi 22 juillet, Victor-Emmanuel III, nerveux
et pâle, reçoit Mussolini.
« J’ai essayé de faire comprendre au Duce, raconte le
souverain à ses proches, que désormais sa personne seule fait obstacle au
redressement intérieur.
« C’est comme si j’avais parlé à du vent », conclut-il.
25.
Que va faire le Duce ?
À Rome, les conspirateurs monarchistes et les hiérarques
fascistes sont sur leurs gardes.
Le plus déterminé des dirigeants fascistes, Dino Grandi, tente
une dernière fois de convaincre le Duce – dont il fut dès 1920 l’un des
premiers « camarades » – de rompre avec l’Allemagne, de sauver
ainsi l’Italie du désastre.
« Tu aurais raison, répond le Duce, si la guerre devait
être perdue mais elle sera gagnée. Les Allemands dans quelques jours vont
sortir une arme qui changera du tout au tout la situation ! »
Mussolini raccompagne Grandi jusqu’à la porte de l’immense
salle dite de la Mappemonde qui, au palazzo Venezia, est le bureau du Duce.
Souriant, il accueille le Feldmarschall Kesselring qui
commande les troupes allemandes en Italie.
Celui-ci lui fait part des informations sur la préparation d’un
coup d’État contre le Duce. Il se déroulerait à l’occasion de la réunion du
Grand Conseil Fasciste du samedi 24 juillet. Le Führer est inquiet, dit
Kesselring.
Mussolini hausse les épaules.
« Je ne peux accepter que l’on croie qu’un régime comme
le régime fasciste puisse être abattu par quarante ou cinquante conjurés »,
dit-il.
Et, levant la main, campé comme un César, il ajoute :
« Une parfaite organisation étatique, quatre cent mille
hommes d’une milice fidèle et aguerrie, trois millions d’inscrits au Parti
fasciste, la masse qui respecte et craint cette puissance, le chef ferme à son
poste et plus décidé que jamais, allons donc ! Ne plaisantons pas ! »
Le Duce croit-il lui-même ce qu’il dit ?
Il passe par des phases de plus en plus rapprochées d’abattement
et d’exaltation. Il paraît souvent exténué, puis il se redresse, et soliloque, se
rend dans les environs de Rome pour passer en revue la Division M, troupe
d’élite formée de miliciens fascistes triés sur le volet.
Himmler a livré les meilleures armes allemandes, 32 chars Tigre. Des instructeurs SS ont entraîné les miliciens fascistes.
Le Duce dispose donc d’une garde prétorienne, mais en
fera-t-il usage, alors que le pays commence à bouillonner ? Des grèves
éclatent à Milan, à Turin. Les bombardements alliés sur les villes italiennes –
Rome, Naples, Bologne, Turin – créent un climat de panique et de révolte.
Et
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