1943-Le souffle de la victoire
Mussolini une invitation urgente du Führer.
La rencontre est fixée en Italie dans une villa du XVIII e siècle,
près de Feltre.
Le Duce et le Führer se retrouvent à l’aéroport de Trevisio.
Le 18 au soir, Mussolini s’envole pour Trevisio avec son
médecin et son secrétaire. Le général Ambrosio part par le train avec le
secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Bastianini. À Rome, tout s’arrête
parmi les conjurés, l’espoir d’une solution Mussolini à la crise, comme en tant
d’autres occasions, retient encore le roi, ses conseillers et les hiérarques
fascistes.
Cependant, sur l’aérodrome de Trevisio, le Duce, les yeux
levés, suit l’avion du Führer qui tourne au-dessus du terrain en attendant 9 heures,
l’heure officielle de l’arrivée.
19 juillet 1943. Dans les rues de Rome, les premiers
passants découvrent des tracts annonçant un bombardement imminent de la ville :
« Pour cette action, disent les tracts, ont été choisis
des équipages soigneusement préparés et qui connaissent Rome. »
Les Romains ne prennent guère au sérieux cet avertissement :
la Ville sainte ne peut être bombardée.
Le ciel est d’un bleu humide.
À Trevisio, l’avion de Hitler s’est posé.
L’atmosphère est lourde. Les deux dictateurs voyagent seuls,
en train, jusqu’à Feltre, puis de là, en voiture découverte, ils se rendent à
la villa Gaggia, véritable labyrinthe de couloirs, des « mots croisés
pétrifiés », dira Mussolini.
Les deux délégations se réunissent à 11 heures dans le
salon d’entrée et le Führer commence un long monologue. Mussolini, assis sur le
bord d’un fauteuil trop profond, les mains posées sur ses jambes croisées, écoute
patiemment, sans bien comprendre le sens de ce discours passionné, plein de
reproches sur l’armée italienne dont « l’organisation est manifestement
mauvaise ». Mais le Führer hausse le ton.
« La guerre, dit-il, peut être continuée à l’infini, elle
se réduit au problème de la main-d’œuvre, c’est une question de volonté. »
À midi, le secrétaire particulier de Mussolini entre dans la
salle et tend au Duce un message. Mussolini, d’une voix émue, traduit le texte
en allemand :
« En ce moment, l’ennemi bombarde violemment Rome »,
dit-il.
Dans la ville, les sirènes ont hurlé à 11 heures. À 11 h 05,
les premières bombes tombent des Forteresses volantes et des Liberator sur les voies ferrées, la gare, les quartiers ouvriers de San Lorenzo, Tiburtino,
Appio Latino, les aéroports de Littorio et Ciampino. La défense antiaérienne
qui, sur ordre du Duce, a tant de fois tiré pour rien, pour simplement créer
une ambiance de guerre, n’atteint aucun appareil ; pourtant les avions
volent très bas. Certains mitraillent les rues ; quatre vagues se
succèdent pendant trois heures faisant plus de 1 400 morts et 6 000 blessés.
À Feltre, le Führer reprend, impassible, son monologue, donnant
à Mussolini une véritable leçon, humiliant le Duce devant ses propres
collaborateurs. Ceux-ci sont indignés. À 13 heures, au moment où va
commencer le déjeuner, ils entourent Mussolini. Le général Ambrosio, pâle de
colère, joue son va-tout, sans détour, formulant un véritable ultimatum :
« Vous devez parler clair aux Allemands, dit-il au Duce
d’une voix forte, ils veulent se servir de l’Italie comme d’un rempart et ils
se moquent de savoir si elle court à la ruine. »
Mussolini se tait, baissant la tête. Ambrosio poursuit :
« Vous êtes l’ami du Führer, faites-lui comprendre nos
raisons, nous devons nous détacher et penser à nos affaires. Il faut sortir de
la guerre dans les quinze jours, conclut Ambrosio en martelant ces mots d’un ton
sans réplique. »
Mussolini ergote :
« Sommes-nous disposés, dit-il, à effacer d’un seul
trait vingt ans de régime ? »
L’aveu est clair : le fascisme est lié au nazisme et
son sort dépend du sort de la guerre, ceux qui espèrent encore en Mussolini n’ont
pas compris cette donnée fondamentale. Mussolini sent-il d’ailleurs la gravité
de l’ultimatum du général Ambrosio ? Il semble surtout préoccupé de savoir
ce que penseront les Romains de son absence pendant le bombardement de la ville.
« Je ne voudrais pas que les Romains croient… », répète-t-il,
laissant chaque fois sa phrase inachevée.
À 17 heures, Hitler et Mussolini se trouvent à
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