1943-Le souffle de la victoire
République qui ont rejoint
Alger.
« Je ne puis gouverner, lui dit-il.
— Donc, Giraud ou moi ! »
Une fois encore il faut menacer, jouer quitte ou double.
« Les responsabilités doivent être prises et connues. Quant
à moi, je ne puis porter les miennes plus longtemps dans de telles conditions. »
Il quitte Alger, se rend en Corse où il vient de faire
nommer préfet et secrétaire général deux hommes en qui il a toute confiance, parce
qu’ils ont rejoint la France Combattante aux temps d’incertitude : Charles
Luizet et François Coulet.
Voici Ajaccio, puis Corte, Sartène, Bastia.
De Gaulle est pris dans la « marée de l’enthousiasme
national ». Il s’écrie : « C’est un peuple rajeuni qui émerge
des épreuves ! »
Dans les villages qu’il traverse, il aperçoit ces soldats
italiens qui ont aidé à chasser les Allemands.
« Nous ne sommes pas de ceux qui piétinent les vaincus,
dit-il. Ici, nous nous trouvons au centre de la mer latine. »
Il veut penser à l’avenir, à ces peuples avec lesquels la
France devra renouer une alliance. Il sourit. « Cette mer latine qui est
enfin, dit-il, l’un des chemins vers notre alliée naturelle, la chère et
puissante Russie. »
Il pense aux diplomates anglais que hante la menace russe et
qui ne rêvent que de bloquer la Russie aux portes de la Méditerranée. Autant
leur faire comprendre que la France, désormais, a reconquis sa liberté de jeu, et
qu’il faut donc compter avec elle, que l’on ne peut l’écarter des négociations
de paix avec l’Italie. Et en effet, de retour à Alger, de Gaulle apprend que le
Comité va avoir un représentant aux côtés des Alliés pour discuter avec les
Italiens.
« La victoire approche, lance de Gaulle. Elle sera la
victoire de la liberté. Comment voudrait-on qu’elle ne fût pas aussi la
victoire de la France ? »
C’est
le début du mois de novembre 1943. Pour la première fois se réunit l’Assemblée
Consultative Provisoire, au palais Carnot, siège des Assemblées algériennes, sur
le boulevard des Arcades qui coupe le port d’Alger.
De Gaulle monte à la tribune. Il est en uniforme de toile. Il
regarde sur les gradins de cet hémicycle semblable en réduction à celui du
Palais-Bourbon ces hommes venus de la « nuit », combattants de l’ombre,
militants dont la présence fait naître sur Alger un « souffle âpre et
salubre ».
« Il est vrai, dit-il, que les élections générales
constituent la seule voie par où doive un jour s’exprimer la souveraineté du
peuple. »
Mais cette Assemblée Consultative Provisoire française
exprime les forces qui résistent, elle est le porte-parole – il le dit –
de l’ardent mouvement de renouveau qui anime en secret la nation. Et « cette
réunion n’est ni plus ni moins qu’un début de résurrection des institutions
représentatives françaises ».
Maintenant, dernière étape, remanier le Comité Français
de Libération Nationale, en faire un vrai gouvernement.
Le 9 novembre, les membres du Comité remettent leur
portefeuille de « ministre » à la disposition du général de Gaulle
pour qu’il donne à ce gouvernement une nouvelle composition.
Les généraux Georges et Giraud n’en feront plus partie.
De Gaulle a choisi chacun des hommes qui vont enfin pouvoir
travailler avec efficacité. Henri Frenay a accepté d’être commissaire aux
Prisonniers, Déportés et Réfugiés. Aucun des autres commissaires – d’Astier
de La Vigerie, Capitant, Mendès France, Philip, Pleven, Tixier, Catroux – n’a
été complice de Vichy. Certains – Jean Monnet ou René Mayer – ont été
des proches de Giraud. Mais il faut faire l’unité, maintenant que Giraud n’est
qu’un commandant en chef soumis au pouvoir politique.
De Gaulle lui écrit. Il faut enfermer Giraud dans les propos
que le général a tenus. « Mon Général… Je me permets de vous féliciter de
pouvoir, comme vous l’avez toujours souhaité, vous consacrer entièrement à la
grande tâche de commandement qui vous est dévolue. »
Quoi d’autre pourrait faire Giraud ? Il est trop
patriote, trop prudent aussi pour croire ceux de ses conseillers qui lui
répètent : « Il est grand temps d’agir. L’armée est encore derrière
vous, elle souhaite un ordre… Vous êtes à un virage décisif, mon Général. Vous
auriez pu être un personnage de l’Histoire de France. Vous pouvez l’être encore.
Il vous
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