1944-1945-Le triomphe de la liberte
je quitte le bled…
Adieu Sigmaringen… J’en ai assez pour mon compte, terminé le ballet des crabes…
J’fous le camp en Norvège… Là-bas, je ne verrai plus leurs faces de Pierrot et
de Jean-Foutre… Adieu les gens de la Kollabo… Je m’en vais au pays des
lacs… »
Céline sait que son talent, sa notoriété d’écrivain ne le
sauveront pas.
De Gaulle, en dépit des appels de nombreux écrivains –
dont François Mauriac, le symbole même de l’engagement dans la résistance
intellectuelle aux nazis –, n’a pas gracié Robert Brasillach, condamné à
mort le 19 janvier 1945, exécuté le 6 février.
« Ce qu’il y a de meilleur en France, dit Mauriac, ne
se console pas de la destruction d’une tête pensante, aussi mal qu’elle ait
pensé. N’existe-t-il donc aucune autre peine que la mort ? Les seules
exécutions que l’Histoire ne pardonne pas à la Terreur, ce sont celles des
philosophes et des poètes. »
Mais Brasillach, dans Je suis partout, a exigé qu’on
envoie au poteau les « traîtres » : Blum, Mandel, Reynaud. Il a
justifié les rafles et les persécutions des Juifs, fussent-ils des
enfants !
Et Céline a fait le même « voyage au bout de la
nuit », a évoqué ces « bagatelles pour un massacre » !
On dit que de Gaulle se souvenant de Jean Moulin et Pierre
Brossolette, des écrivains, des professeurs morts sous la torture, aurait
lancé : « Eh quoi, Brasillach a été fusillé comme un soldat. »
De ce privilège, Céline se moque. Il veut rester en vie. Et
puisque « l’affaire est dans le sac », les « Allemands
archi-foutus », il « fout le camp ».
Sauver sa peau est d’ailleurs la préoccupation de bien des
dirigeants nazis.
Ils rêvent d’une paix séparée à l’Ouest. Les combats
continuant contre les Russes, à l’Est. Un jour viendrait où, contre le
bolchevisme, les Anglo-Américains rejoindraient les Allemands pour sauver
l’Europe.
Mais il fallait donner des gages à Roosevelt et à Churchill.
Himmler et Walter Schellenberg, chef du service d’espionnage
nazi, organisent ainsi le transfert en Suisse de 1 700 Juifs
hongrois, et de 1 200 Juifs du camp de Theresienstadt. L’ancien
président de la Confédération helvétique – Jean-Marie Musy – négocie
avec Himmler et Schellenberg et sert d’intermédiaire avec le Comité américain
des réfugiés de guerre (War Refugee Board).
De ces négociations, les Français de Sigmaringen ignorent
les détails et l’ampleur.
Mais ils apprennent que des trains de la Deutsche
Reichsbahn, chargés de Juifs, franchissent la frontière suisse.
Ils savent que les troupes américaines encerclent Stuttgart
et qu’une 1 re armée française, commandée par le général de
Lattre de Tassigny, avance vers le lac de Constance. Ces « Kollabos »
après la bataille des Ardennes avaient encore cru à la reconquête de Strasbourg
par les troupes allemandes. Ils s’étaient esclaffés en apprenant qu’Eisenhower
voulait évacuer la ville. Puis de Gaulle était intervenu, appuyé par Churchill,
et la 2 e DB de Leclerc en Alsace avait défendu Strasbourg et
les Vosges. Et l’offensive allemande avait été brisée en janvier.
Et dès la fin du mois de février, le temps n’est plus aux
illusions. On évoque encore des armes secrètes, le retournement des alliances,
mais c’est la panique qui saisit les « émigrés ».
Tous veulent quitter l’Allemagne, le Grand Reich, qui sombre
et dont ils refusent de partager le tombeau.
C’est la fuite, la débâcle dérisoire de quelques milliers
d’hommes et de femmes, la débandade.
Les membres du Parti Populaire Français se rassemblent à
Innsbruck, obtiennent des passeports pour l’Italie et doivent se retrouver à
Vérone.
Le fascisme républicain et mussolinien semble encore
gouverner l’Italie du Nord avec l’aide des divisions SS.
Passent aussi en Italie Darnand et ses miliciens, Bucard et
ses francistes, puis panique : à Innsbruck, on ne délivre plus de
visas !
Marcel Déat et sa femme ont disparu. On affirme qu’ils sont
en Italie et ont bénéficié de l’aide d’un réseau organisé par le Vatican.
Pierre Laval rêve de Suisse, d’Espagne.
Mais Ribbentrop tarde une dizaine de jours avant de
l’autoriser à quitter l’Allemagne.
Lorsque Laval obtient le visa allemand, le 16 avril,
les Suisses lui refusent le droit d’asile. Et le Liechtenstein fait de
Weitere Kostenlose Bücher