1944-1945-Le triomphe de la liberte
laissés dans
l’enceinte de la ville sont condamnés à mourir.
De petits navires allemands s’approchent des côtes et
tentent d’évacuer les soldats pris au piège. Mais ils sont coulés par les
Russes. L’aviation mitraille les radeaux sur lesquels les Allemands essaient de
fuir.
L’artillerie pilonne les défenseurs qui commencent à se
rendre par groupes.
Des milliers de blessés agonisent sur le promontoire de
Sébastopol. Sept cent cinquante SS s’y sont rassemblés autour du phare et
refusent de se rendre.
Ceux qui ne sont pas tués par les Russes se suicident.
Ici, à Sébastopol, dans toute la Crimée, on a le sentiment
de piétiner des épaisseurs d’ossements : ceux de la guerre de 1855, ceux de
la révolte de la flotte de la mer Noire – en 1905 –, ceux de 1917 et
de 1920, et ceux de 1941-1942, lors du siège de Sébastopol par les nazis.
Et il y avait eu les victimes de la Gestapo, dont les
policiers étaient assistés par les Tatars de la Crimée, hostiles aux Russes.
Ces Tatars désignent aux Allemands les soldats russes qui,
après la chute de Sébastopol en 1942, ont revêtu des vêtements civils.
En mai 1944, Staline exige qu’on châtie les Tatars de
manière exemplaire, qu’on les déporte tous. Qu’ils subissent le sort des
Allemands de la Volga eux aussi chassés de leurs terres colonisées depuis deux
siècles et même plus !
Partout l’odeur de mort.
Le sol est jonché de casques, de fusils, de baïonnettes
allemandes.
Autour du promontoire et de son phare, la mer est couverte
des cadavres auxquels les vagues redonnent un semblant de vie.
Sur la terre, le vent empuanti par la mort disperse les
photographies, les lettres, les carnets et les cahiers chargés de tous ces
destins que la guerre a écrasés.
Le 1 er mai 1944, Staline, dans son ordre du
jour, salue l’effort des Alliés « qui tiennent un front en Italie et
éloignent ainsi de nous des forces allemandes considérables. En outre, ils nous
livrent un excellent matériel de guerre et bombardent systématiquement des
objectifs militaires en Allemagne, dont ils minent ainsi le potentiel
militaire… ».
En évoquant les efforts communs de l’URSS, des États-Unis et
de la Grande-Bretagne, Staline conclut :
« Seule une telle offensive combinée peut abattre
l’Allemagne hitlérienne. »
Il n’y aura donc pas de rupture de la Grande Alliance, et
pas de paix de compromis.
Les trois Alliés affirment qu’ils veulent « la
libération de l’Europe et l’écrasement de l’Allemagne hitlérienne sur son
propre sol ».
13.
Cet ordre du jour de Staline, le Feldmarschall Erwin Rommel
en a eu connaissance mais n’y a guère prêté attention. Il s’en est cependant
ouvert à son nouveau chef d’état-major, le général Hans Speidel.
Il a toute confiance en cet officier qui est docteur en
philosophie de l’université de Tübingen.
Speidel, lorsqu’il a été reçu par Rommel pour la première
fois, lui a révélé qu’il fait partie d’un groupe d’officiers – les
généraux von Falkenhausen, von Stülpnagel, von Tresckow, Schlabrendorff, Beck,
Wagner, et tant d’autres – décidés à renverser Hitler.
L’un des conspirateurs, le lieutenant-colonel Klaus
Stauffenberg, a déjà voulu, le 26 décembre 1943, faire exploser une bombe
au Grand Quartier Général du Führer, mais celui-ci n’a pas participé à la
réunion prévue.
En 1943, Rommel a connu Stauffenberg en Tunisie. Cet
officier y était arrivé de Russie. Il semblait révolté par les exterminations
massives de civils, de Juifs, dont il avait eu connaissance. Issu d’une famille
aristocratique, catholique fervent, il était déterminé à agir pour renverser
Hitler.
Mais le 7 avril 1943, sa voiture avait sauté sur un
champ de mines et il avait été grièvement blessé, perdant l’œil gauche, la main
droite, deux doigts de la main gauche ; son oreille et son genou gauches
avaient été atteints. Guéri, il avait demandé à être admis dans le service
actif avec un seul but : tuer Hitler.
Il avait confié à sa femme, la comtesse Nina, mère de ses
quatre enfants :
« Je dois faire quelque chose pour sauver l’Allemagne.
Nous autres, officiers de l’état-major général, nous devons tous prendre notre
part de responsabilités. »
La première tentative d’attentat avait donc échoué le
26 décembre 1943.
La résolution de Stauffenberg n’avait
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