1944-1945-Le triomphe de la liberte
l’idée qu’un débarquement se prépare en
Méditerranée.
Et des ordres laissent entendre qu’il y aura un débarquement
de diversion en Normandie afin d’attirer les troupes allemandes vers l’Ouest
alors que le débarquement principal interviendrait entre Boulogne et Calais.
L’écoute et le décryptage des messages allemands – la
« machine ultra » de décryptage a encore été perfectionnée –
confirment que les Allemands sont bernés par ce plan Fortitude. La
réponse adoptée par le Grand Quartier Général est un compromis afin de faire
face à ces différentes hypothèses.
Si bien que la puissance des Allemands –
58 divisions dont 10 de panzers – est fragmentée, d’autant plus que
le Führer veut conserver le contrôle des opérations depuis Berchtesgaden !
Le général Eisenhower, commandant suprême de l’opération Overlord, n’est pas plus tranquille pour autant.
Son quartier général est installé à 8 kilomètres au sud
de Portsmouth, le grand port où se concentrent tous les types de navires –
croiseurs, destroyers, dragueurs de mines, navires de transport, barges de
débarquement. Ils sont chargés de milliers d’hommes : les deux premières
vagues d’assaut en comptent 175 000.
Eisenhower a passé en revue de nombreuses unités.
Il n’a pas senti l’enthousiasme. Les meilleurs soldats sont
au combat depuis des années. C’est le cas des Britanniques de la Durham
Light lnfantry qui protestent quand Montgomery leur annonce, comme un
honneur, qu’ils feront partie de la première vague, puisqu’ils sont les
meilleurs !
Ils se battent depuis 1940. Ils n’ont pas eu de permission
au pays, et on les renvoie au feu, en premier : c’est un « ticket
pour l’enfer » !
Et ces vétérans des combats du désert protestent. Même
protestation chez les soldats américains de la division Big Red One. Eux
aussi savent ce qui les attend.
Dès le mois de janvier, des nageurs de combat ont été
transportés par des sous-marins de poche jusqu’à proximité des plages choisies
pour le Débarquement : celles de la côte normande.
Ils y ont pris pied, ont prélevé des échantillons de sable,
tenté de dresser l’inventaire des obstacles – les pieux de Rommel, les
mines, tous les éléments du Mur de l’Atlantique.
Ils ont imaginé les hommes débarquant, poitrines nues, face
à ces nids de mitrailleuses installées au sommet des falaises, et décimés par
les pièges disposés sur la plage.
Les pertes seront énormes.
Le général Eisenhower en est si conscient qu’il a préparé
seul le texte qu’il lirait en cas d’échec du Débarquement, maintenant fixé dans
la deuxième semaine de juin :
« Les débarquements dans la zone de Cherbourg-Le Havre
n’ont pas réussi à conquérir une tête de pont suffisante et j’ai dû replier les
troupes, écrit Eisenhower. Si quelque faute a été commise, j’en porte seul la
responsabilité. »
Douloureux d’être contraint d’envisager aussi l’échec.
Mais celui qu’on appelle Ike est un homme résolu,
méthodique, conscient de ses responsabilités.
Il sait qu’il tient la vie de centaines de milliers d’hommes
entre ses mains.
Alors, il prend toutes les précautions.
Il a depuis le mois d’avril exigé que les services
météorologiques lui remettent chaque lundi des prévisions à trois jours afin de
pouvoir évaluer leur fiabilité.
Une tempête creusant une forte houle dans la Manche peut
compromettre les chances du débarquement, en submergeant les barges, en rendant
les soldats malades. Une visibilité insuffisante peut empêcher l’utilisation
efficace de l’aviation dont le rôle est majeur.
Des bourrasques de vent peuvent déporter les milliers de
planeurs et de parachutistes loin des zones prévues pour leur atterrissage, et
les livrer ainsi à la mort accidentelle ou à l’ennemi.
C’est à Eisenhower de trancher, de prendre la décision
ultime.
Il doit agir en oubliant les vanités des généraux qui
l’entourent : Patton, le brutal et le mystique, Bradley, le pragmatique
sans prétention.
Ceux-là sont américains, mais il y a les Britanniques. Et
d’abord, le maréchal Montgomery – Monty –, héros d’El-Alamein, mais
hautain et vaniteux. Ike connaît le jugement que Monty porte sur lui,
« l’Américain » : « un brave gars, mais pas un
soldat ».
Alan Brooke, le chef d’état-major impérial, est aussi sûr
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