1944-1945-Le triomphe de la liberte
pas faibli.
Un proche de Rommel, Karl Stroelin, avait, dès février 1944,
évoqué avec le Feldmarschall cette conspiration des généraux contre Hitler.
« Vous êtes notre plus grand général, le plus populaire
aussi, a-t-il dit à Rommel, et le plus respecté à l’étranger. Vous êtes le seul
à pouvoir empêcher cette guerre civile en Allemagne. Il faut que vous prêtiez
votre nom au mouvement. » Rommel, après quelques instants d’hésitation,
répond :
« Je crois qu’il est de mon devoir de venir au secours
de l’Allemagne. »
Mais Rommel est hostile à l’assassinat de Hitler. Tuer le
dictateur en ferait un martyr.
« Il faut le faire arrêter par l’armée, et le faire
comparaître devant un tribunal allemand pour les crimes commis contre son
propre peuple et contre les populations des pays occupés. »
Le Feldmarschall von Rundstedt, auquel Rommel fait part de
l’existence d’un « mouvement » parmi les généraux et de son intention
d’y participer, l’approuve :
« Rommel, vous êtes jeune, vous connaissez et vous
aimez le peuple. C’est donc à vous d’agir. »
Le général Speidel, à la fin du mois de mai 1944, expose à
Rommel les principaux points du programme qui serait appliqué après
l’arrestation de Hitler et le renversement du gouvernement nazi :
« Pas de dictature militaire, mais un gouvernement
représentatif des forces de résistance. Armistice immédiat avec les Alliés
occidentaux. Pas de reddition inconditionnelle. Préparation d’une paix
constructive dans le cadre d’États-Unis européens.
« À l’Est, continuation de la guerre. Maintien d’un
front défensif raccourci entre l’embouchure du Danube, les Carpates, la Vistule
et Memel.
« Des troupes allemandes s’empareraient du secteur de
Munich et encercleraient Hitler dans son réduit de l’Obersalzberg. »
Personne parmi ces généraux et ces personnalités
civiles – Cari Goerdeler, Karl Stroelin – n’imagine que les Trois
Grands restent unis.
Et Rommel note avec satisfaction dans son Journal, le
27 avril 1944 :
« On dirait que les Anglais et les Américains vont nous
faire la grâce de s’abstenir encore un certain temps. Ce délai a une valeur
capitale pour l’état de nos défenses côtières. Nous nous renforçons
quotidiennement sur terre tout au moins, car dans les airs nous ne pouvons en
dire autant. Cependant, le moment venu, les choses tourneront là aussi à notre
avantage… »
Le 15 mai, il se félicite du nouveau délai :
« Nous sommes déjà à la mi-mai et rien ne se produit.
Pourtant, il semble qu’en Italie l’ennemi ait lancé une offensive en tenailles
qui pourrait être le prélude aux grands événements du printemps ou de l’été.
« Je viens de faire une tournée de quelques jours et je
me suis entretenu avec les officiers et les soldats. Le travail accompli au
cours des dernières semaines est considérable. Je suis convaincu que l’ennemi
en subira les conséquences s’il attaque, et qu’en définitive il n’obtiendra pas
le succès qu’il escompte. »
Rommel n’apparaît guère comme un conspirateur anxieux qui a
hâte de chasser Hitler et les nazis du pouvoir.
Il « passe le temps, fai[t] une promenade à cheval mais
aujourd’hui m’en voilà fortement courbaturé. »
Il joue avec ses chiens qui le distraient.
Il est préoccupé par l’évolution du front italien.
Dans la nuit du 11 au 12 mai 1944, les Alliés ont lancé
leur offensive générale sur le front du Garigliano.
Les succès remportés là par le corps expéditionnaire
français du général Juin aboutissent en quelques jours à la rupture du front
défensif allemand. Cassino, devant lequel on se bat depuis six mois, tombe le
18 mai entre les mains du corps polonais. Rome est à portée de main.
« Avant-hier, écrit Rommel le 19 mai, j’ai
téléphoné au Führer pour la première fois. D’excellente humeur, il n’a pas
ménagé ses louanges pour le travail que nous avons accompli à l’Ouest. J’espère
bien continuer à un rythme plus rapide que précédemment. Il fait toujours
froid, et enfin, il pleut. Voilà qui va forcer les Anglais à se montrer
patients. J’attends encore pour savoir si je pourrai m’absenter quelques jours
dans le courant du mois de juin. Pour le moment, il n’en est pas question.
Malheureusement, la situation en Italie est inquiétante : l’énorme
supériorité ennemie en
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