1944-1945-Le triomphe de la liberte
celle du vieux sage, plein
de compassion et d’esprit de sacrifice. Et souvent incompris par un peuple
versatile.
Mais les Français, même si quelques milliers d’entre eux se
pressent sur les places pour le voir, l’écouter, l’applaudir, ne se soucient
plus de lui.
Les comptes sont faits.
La faim les tenaille. Les bombes « alliées » les
tuent et rasent leurs quartiers. Allemands et miliciens torturent, déportent,
pendent, brûlent, fusillent.
D’ailleurs, en ce mois de mai 1944, les Français ont une
préoccupation obsédante. Ils se livrent à chaque instant de chaque jour à la
recherche obstinée, angoissée, d’aliments.
Ils ont leurs cartes d’alimentation, leurs
« tickets » de rationnement, de quoi agoniser de faim, et laisser
dépérir les enfants.
Alors, on achète au « marché noir » tout ce qui
peut se manger, légumes, viande, qu’on pèse dans les arrière-boutiques, les
caves, les appartements.
On parcourt à bicyclette les routes de campagne, on va chez
les « paysans » acheter ce qu’ils veulent bien vendre.
Un litre d’huile, en Provence, se monnaye à
1 000 francs.
Un repas au marché noir dans un restaurant à la mode –
qui est toujours complet – dévore le salaire mensuel d’un ouvrier.
Mais ceux qui se goinfrent ont de l’argent facile.
Ils « trafiquent » avec les Allemands, ils sont
agents de la Gestapo, délateurs, policiers. Ils sont assis à la table voisine de
celle où banquettent des résistants. On se côtoie, on s’ignore. On se tuera
bientôt. « Drôle de guerre ! »
Les « restrictions » sont de plus en plus sévères.
Elles annoncent le temps des combats quand « ils auront enfin
débarqué ».
Chaque Parisien est invité le 7 mai à constituer une
réserve d’eau de quarante-huit heures…
Tout à coup, c’est le hurlement des sirènes.
L’« alerte ». Près de 10 000 avions de combat franchissent
chaque jour la Manche pour aller déverser leurs milliers de tonnes de bombes sur
tous les nœuds ferroviaires, et même les gares qui ne le sont pas.
Les bombardiers volent à très haute altitude : les
bombes détruisent des quartiers souvent éloignés des gares. Les rues ne sont
plus que des amas de décombres d’où l’on retire des corps que l’explosion a
fait éclater, a écorchés vifs. Ils sont roses comme des pantins énormes.
Pour les 26 et 27 mai – journées ordinaires dans
la succession des bombardements –, on peut dresser la liste des victimes
par villes ou par régions : Région parisienne (240 morts,
422 blessés), Nice (316 morts, 475 blessés), Chambéry
(300 morts, 600 blessés), Avignon (380 morts, 600 blessés),
Amiens (385 morts, 150 blessés), Lyon (600 morts,
500 blessés), Saint-Étienne (870 morts, 1 400 blessés),
Marseille (1 976 morts, 1 323 blessés),
1 500 morts dans le bombardement des gares de Paris-La Chapelle et de
Villeneuve-Saint-Georges.
Reims, Rouen, Metz, Troyes, Nantes, Cambrai, Valenciennes,
etc. Encore des centaines de victimes.
On pourrait dresser une autre liste, ville par ville,
village par village, celle des torturés, des fusillés, des pendus, des
décapités.
Mais le total est difficile à établir car les cadavres sont
jetés dans des fosses vite refermées, parfois exécutés en Allemagne. Il y a les
« résistants » et les otages, ceux qui ont été dénoncés et ceux qui
sont abattus après d’âpres combats.
Des centaines de morts, en ce mois de mai 1944 qui doit
effacer celui de 1940, et dont on est sûr qu’il annonce le Débarquement, la
Libération, parce que bombardements alliés et répression allemande confirment
que chacun des adversaires prépare le terrain à sa manière.
Les Alliés veulent rendre impossibles les transferts
d’unités de la Wehrmacht et des SS d’un point à l’autre du pays. La Gestapo
veut démanteler, décapiter le dispositif de la Résistance qui à la veille du
Débarquement prépare l’insurrection nationale.
Les maquis se renforcent en hommes, mais manquent d’armes en
dépit des appels du général de Gaulle afin qu’on organise des parachutages.
En ce mois de mai, autour des plus importants maquis –
mont Mouchet, Vercors –, les Allemands concentrent des troupes. Ils ne
peuvent accepter ces « forteresses » sur leurs arrières.
La sagesse devrait inciter à la dispersion des maquisards,
au choix de la guérilla. Mais
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