22 novembre 1963
ouest qui communiquait avec le cloître s’ouvrit et les sœurs entrèrent, l’une après l’autre, droites sous leurs voiles blancs ; quelques dames qui étaient là en visite pour la fête entrèrent ensuite pour se placer derrière les sœurs ; leurs têtes étaient voilées et elles portaient de longues capes à grands plis, qui les cachaient entièrement. Haguenier savait que Marie était l’une d’elles, mais il ne la reconnut pas. Mais sa présence bénie emplissait à présent toute l’église. Et il avait comme une vision étrange : toutes ces dames en voiles légers, agenouillées derrière les nonnes, étaient Marie, et c’était Marie répétée sept fois et toujours pareille qui priait la Vierge, puis il imagina que toutes les nonnes avaient elles aussi le visage de Marie, caché sous leurs voiles blancs, et l’image de la Vierge, parée de perlés et de broderies, avait sous sa couronne le visage resplendissant de Marie, cent fois plus beau seulement qu’il n’était en réalité. Car l’amie terrestre est le symbole de l’Amie divine de tout homme, comme toute femme est le symbole de l’amie. « Ô Vierge et Mère, Dame Très Pure, Étoile de la Mer, Perle blanche des océans amers, parée de toutes les splendeurs de la nature créée, par votre divine beauté accordez-moi de jouir de la beauté de mon amie, et faites qu’elle m’accueille dans ses bras comme son époux aimé, car c’est pour cela qu’est faite sa grande beauté ; en agissant autrement elle serait fausse et cruelle, et il ne doit y avoir en elle que bonté. » Les voix des nonnes chantaient en chœur les canons des matines.
Matines terminées, les nonnes reprirent leurs litanies ; les cierges brûlaient toujours sur les hauts chandeliers, et le reste de l’église était sombre. Des pèlerins rampaient à genoux jusqu’aux marches de l’autel et y restaient, baisant les dalles et pleurant, osant à peine lever les yeux vers l’image parée, éclairée par les petites flammes douces et vacillantes. Dans un coin sombre, adossée contre le pilier, une femme allaitait son enfant. Il faisait très chaud, et l’odeur de sueur et de haillons se mêlait à celle de l’encens. Haguenier n’était pas loin de la porte, et sortit pour respirer l’air de la nuit. D’immenses gerbes d’étoiles jetées en travers du ciel éclairaient d’une lumière douce la cour, l’enceinte du couvent et les champs moissonnés. Il faisait chaud. Des étoiles filantes sillonnaient le ciel. Derrière le mur du couvent et dans la cour même, des groupes de paysans venus des villages voisins pour la fête, se reposaient, assis ou étendus par terre ; ils avaient apporté des moutons et des volailles en donation au couvent, et on entendait de temps à autre des bêlements, des battements d’ailes, un juron de paysan ; puis tout redevenait silencieux, seule résonnait, dans l’église, la voix monotone de la sœur qui récitait la litanie.
Puis les cloches se mirent à sonner prime.
Après l’office, l’église et la cour du couvent s’animèrent peu à peu. Dans la sacristie les nonnes ornaient d’épis et de fleurs le grand dais sous lequel la statue de la Vierge allait être portée en procession après la messe. Les novices installaient devant le portail des tables pour les offrandes, et paraient l’autel où devaient être déposées les premières grappes de raisins mûrs qui devaient être consacrées à Notre-Dame.
D’autres sœurs préparaient déjà de longues tables basses pour le repas des pèlerins et des paysans dans la cour. Les étoiles pâlissaient, le ciel devenait blanc derrière l’église.
Sur le visage de tous, des nonnes aux mendiants, se lisaient la fatigue et l’excitation, et l’attente anxieuse d’une grande joie.
Ô journée de la Dame de Miséricorde, reine des blés et des vignes et des humbles herbes des champs. Elle-même, brillante d’ornements, assise sur son trône d’or et protégée par le grand dais lourd de touffes d’épis et de fleurs, allait à travers l’or sombre des champs moissonnés, et le long des vignes noires et bleues ; des enfants portaient les croix et les bannières et deux prêtres en ornements de fête marchaient devant le chœur. La file blanche des nonnes suivait en chantant, et après se traînait l’interminable cortège des visiteurs, des pèlerins, des paysans, et tous chantaient en chœur, et les chants se répandaient au loin et le son des
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