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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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moissons.
    Ah ! que les grains se dessèchent et tombent sur la terre, pour être mangés par les corbeaux.
    Graine maudite, jeunesse perdue, il n’est plus pour moi de belles moissons.
    Ce qui est blé pour les autres m’est ivraie et orties, que leur pain à eux se change en ivraie.
    Eux ne savent pas que le noir est blanc et que le blanc est noir, il suffit de regarder autrement.
    Ils ne savent pas que la haine peut tenir lieu d’amour, et le mépris tenir lieu d’honneur.
    Et qu’il est plus facile qu’on ne croit de tout renverser, il faut simplement mettre la tête en bas et les pieds en l’air, la terre alors sera en haut et le ciel en bas.
    Tout être humain cherche à être honoré, mais celui qui est méprisé jusqu’au bout doit se dire que la honte c’est l’honneur, autrement il ne peut plus vivre.
    Morgue, ma mère, j’apprendrai de tels mots qu’en les disant je ferai pourrir leur blé sur pied, enfler les vaches, gâter l’eau des puits.
    Car le ciel est en bas et la terre en haut, le blanc est noir et le noir est blanc. Et ce qui leur paraît être un bien n’est que néant.
    Églantine regardait Haguenier, qui, debout devant la porte, parlait à Joceran en enfilant ses gants. « Comme il est pâle et gris, pensait-elle, on dit qu’il ne vivra pas vieux. Et sans doute je veux tant de mal à Herbert que je devrais en être contente. Mais, Dieu ! comme tout se mélange dans ma tête, à présent. Il était fait pour être mon frère et mon ami, et pourtant nous serons toujours séparés et dans ce monde et dans l’autre. Car je vois autour de son corps comme un serti de lumière blanche, ce qui prouve qu’il est déjà séparé du monde. Et à cause de cela il n’aura jamais ce qu’il désire avoir. »
    Haguenier tressaillit et se retourna, car le regard d’Églantine avait fait passer comme un frémissement dans son corps. Il se souvint de ce qu’elle lui avait dit de ses rencontres avec la fée Morgue et eut peur.
    « Voulez-vous m’ensorceler, ma tante ? dit-il en souriant.
    — Oh ! non, dit-elle en hochant la tête, lentement, mais écoutez : je vois des choses. Je vous vois à côté d’une dame vêtue de bleu et de violet, avec une couronne de bleuets sur la tête. Elle vous embrasse et vous caresse, et puis elle pleure et se met en colère contre vous. Et puis je vous vois à genoux comme en prières, et des taches de feu tout autour.
    — Elle délire, dit Joceran, il ne faut pas l’écouter. »
    Églantine s’assit sur le seuil de la porte et mit les mains devant les yeux. Elle avait très mal à la tête et dans tout le corps. C’était comme si les taches de feu qui entouraient Haguenier dans sa vision lui entraient dans le corps et la brûlaient. Elle ne savait plus si c’était lui qui souffrait ou elle.
HAGUENIER : QUATRIÈME ÉPREUVE. LA COUPE RETIRÉE
    Haguenier ne trouva pas Marie à Mongenost. Mais Isabelle avait un message pour lui. Il devait s’habiller en pèlerin et aller au couvent Saint-Nicolas, derrière la forêt de Traconne, où Marie était en visite chez sa sœur. Là il pourrait rencontrer la dame sans éveiller de soupçons.
    Haguenier pénétra dans l’enceinte du couvent, déguisé, un capuchon sur les yeux et un bâton à la main ; il avait fait la moitié de la route à pied et était tout couvert de poussière. Une lourde chaleur sèche écrasait les champs et la forêt. Tout le long de la route il s’était vraiment senti comme un pèlerin, détaché de tous biens terrestres, marchant seul et pauvre dans la poussière de la route, en pèlerinage vers son amour.
    Mêlé à d’autres pèlerins qui s’étaient réunis là pour la fête de l’Assomption, il passa la nuit dans l’église. De longs cierges brûlèrent toute la nuit devant l’image de la Reine des deux. L’église était petite, et sur la voûte peinte en bleu on voyait le soleil, la lune et les étoiles, avec des anges aux longues ailes qui les tenaient dans leurs mains comme des lampes. Et les piliers et les arcades étaient tout recouverts de fleurs et de feuillages, et d’oiseaux à tête d’homme et de bêtes à tête d’oiseau, et d’autres créatures plus étranges encore, car toute la création devait être là pour honorer la Mère de Dieu.
    Deux nonnes debout devant le lutrin lisaient à haute voix des litanies à la Vierge et les fidèles faisaient en chœur les répons. Puis la cloche du couvent, grêle et pure, sonna matines, et la porte

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