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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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d’arriver et la promesse qu’il avait faite à Marie il ne pouvait s’empêcher d’avoir des pensées coupables. « Bah ! qu’importe ? pensait-il, on n’échappe pas à sa nature. La bête est la plus forte. Puisque j’ai pu dormir comme une brute pendant que mon frère était à l’agonie, que puis-je attendre de moi ? »
    Il hésita longtemps avant d’aller voir la dame de Mongenost. À la façon dont elle avait accueilli sa promesse de la respecter, il avait compris que quelque chose s’était brisé entre eux. Pourquoi, comment ? Il avait pensé la rendre heureuse et devenir meilleur lui-même ; après ce moment de silence du cœur et de tendresse si pure, il avait cru tout possible, il avait cru qu’ils allaient devenir comme saints tous les deux. Il avait fait ce serment de ne pas la convoiter comme il l’eût fait à une sainte descendue du ciel, et puis il y avait eu cette exaltation nerveuse presque maladive, chez elle comme chez lui, et puis après, la maladie, et comme couronnement de tout, cette chevauchée de cauchemar avec Ernaut traqué par son désespoir, et cet horrible sommeil au grenier de la tour Rainard.
    Ah ! Ernaut, lui, avait su résoudre la question ; il avait juré de se tuer si Ida épousait un autre. Ida avait épousé un autre et il s’était tué. C’était simple et net. Mais quand il s’agit de vivre, c’est une autre histoire. On trébuche à chaque pas, et il faut quand même garder sa dignité d’homme, « Contre le corps et contre le cœur, pensait-il, on ne peut rien faire. Que nous reste-t-il alors ? La parole donnée. Il n’est pas d’homme si faible ni si sot qui ne puisse du moins s’accrocher à son serment comme à un pilier, pour se soutenir. Car les serments se font devant Dieu.
    « Ô Marie, amie amère, jamais je ne t’ai autant aimée. Il n’y a plus ni joie ni douceur en mon amour, et tout tourne en douleur et en dégoût, et tu es devenue pour moi comme l’eau la plus amère, et qu’il faut boire quand même pour ne pas mourir. Ô toi si pure et si bonne, ce n’est pas de ta faute, car c’est mon âme qui est devenue si malade que tout prend pour moi un goût de fiel, et toi qui es toute mon âme tu es devenue pour moi toute amertume. »
    La voir, et pas seule, en présence de femmes hostiles qui vont la surveiller pour la dénoncer à son mari. La voir, et ne pas pouvoir se désaltérer à ses lèvres. Mais ne pas la voir du tout est pire.
    Il fut reçu dans la salle basse ; le jardin était brûlé de soleil, insupportable de chaleur. Marie était en compagnie de son mari et d’une dame âgée que Mongenost présenta comme sa tante. Voir Mongenost était bien la pire des choses qu’Haguenier pût craindre à ce moment-là. Il s’assit pourtant sur un escabeau près de la dame, après un salut courtois à ses hôtes, et reçut une coupe de bière fraîche des mains de Guillemine.
    Mongenost, en chemise, le col défait et les cheveux mouillés, se passait tout le temps une serviette trempée d’eau sur le cou. La dame sa tante s’éventait avec des feuilles d’érable. Marie, en chemise, elle aussi, et le cou largement découvert, était à moitié allongée sur son banc et s’essuyait le front. Haguenier s’offrit de l’éventer de ses gants, elle accepta, avec un sourire fatigué. Mongenost les fixait de ses yeux noirs et rapprochés l’un de l’autre comme ceux d’un rapace. « Quel temps, dit Marie, se croirait-on jamais en septembre ? »
    Mongenost parlait de la guerre entre le roi d’Angleterre et le roi de France. « Nous la ferons aussi, cette fois, disait-il. Mais cela ne doit pas vous plaire, à vous qui avez fait votre service en Normandie ?
    — À un homme de service on ne demande pas son avis, dit Haguenier, tout homme fait la guerre pour son serment.
    — Mais peut-être enverrez-vous un remplaçant ? » demanda Foulque, d’un air détaché. Haguenier rougit. « Je n’ai pas encore soixante ans », dit-il. Foulque dit : « Excusez-moi. » Mais son regard restait ironique. Haguenier se détourna de l’hôte discourtois pour ne plus faire attention qu’à Marie.
    Elle était pâle et moite de chaleur, sa tenue un peu négligée qu’autorisait la présence du mari lui allait assez bien ; avec ses cheveux à moitié découverts dont les tresses pendaient sur ses épaules et ses bras nus jusqu’au coude, elle avait l’air d’une jeune fille. Mais son visage était tendu et

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