Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
Vom Netzwerk:
attendait-il un don plus riche. « Je ne peux pourtant pas, raisonnait-il, me déclarer coupable d’inceste, car là je serais forcé d’aller en prison ; je pourrais à la rigueur essayer de prouver qu’Églantine n’est pas ma sœur, ce qui n’est pas impossible, après tout, mais assez difficile. Dans tous les cas, elle vit sur mes terres et je peux la faire prendre et la livrer au bras de l’Église comme sorcière et démoniaque. Mais en attendant, je suis déjà assez en danger par le fait de ma mère, et cette fille va encore attirer sur moi Dieu sait quoi si je cherche à me venger d’elle. Ah ! Ernaut, mauvais fils, pourquoi m’avoir quitté, je sais bien qu’après ta mort je n’aurai plus que malchance et malheur. Toi seul m’aimais, mon louveteau sauvage, et tu m’as abandonné à cause d’une mauvaise garce. »
    Et il se rendit à Puiseaux, pour faire sa paix avec le cousin Joceran malgré toute la répugnance que cet homme lui inspirait à présent, car il avait une grande confiance dans les ressources de son cousin. Le long de la route, dans les prés gris et bruns, des moutons amaigris se traînaient broutillant des racines. Des villages voisins, les paysannes montaient au château de Puiseaux avec leurs seaux de bois – le grand puits du château était le seul des alentours qui eût encore de l’eau potable. La fontaine Sainte-Anne en forêt ne coulait plus que goutte à goutte et pouvait à peine remplir un baquet dans une journée. « Mes vignes seront perdues, pensait Herbert, quoi d’étonnant que le père prieur n’ait pas été enchanté de mon offre. »
HAGUENIER : SIXIÈME ÉPREUVE
LA VIE QUI SÉPARE
    Haguenier était retourné à Troyes aussitôt après l’enterrement d’Ernaut. Une chose le tourmentait jusqu’à devenir une obsession, c’était de ne pas pouvoir prier pour le mort. Il en éprouvait un tel désir que son cœur en était tout endolori, il commençait sans cesse des prières qu’il arrêtait aussitôt et qui rentraient en lui et lui pesaient sur le cœur et l’étouffaient. Le mort chevauchait à ses côtés tout le long de la route, calme et triste, étrangement absent et si proche à la fois, et Haguenier avait moins que jamais la sensation de l’avoir perdu. Ernaut était là, mais terriblement préoccupé par une pensée sans issue et sans but, et toujours aussi plein d’affection pour son frère. Et cette affection et le sentiment de sa propre impuissance brisaient le cœur d’Haguenier. « Et c’est par ma faute que ce malheur lui est arrivé, pensait-il tout le temps, et il s’en ira bientôt dans un lieu où il n’aura plus jamais de paix, et je ne peux rien faire, comme je n’ai rien pu faire avant. »
    Il s’arrêta à Pouilli pour voir Aielot, qui n’avait pas l’air trop affligée de la mort de son demi-frère. « Vous savez, dit-elle, père voulait le faire héritier de Linnières au lieu de vous. C’était un bien sale tour qu’il voulait vous jouer.
    — Bah ! Père vivra plus longtemps que moi, et Dieu lui donne longue vie. Je n’ai jamais été un coureur d’héritage. Si je reste au pays, ce n’est que pour ma dame, si toutefois elle veut encore de moi.
    — Vous savez, lui dit Aielot, je crois que le Mongenost est devenu plus jaloux que jamais, et vous ne la verrez guère seule. C’est un mari comme Jacques qu’il vous aurait fallu, ajouta-t-elle en riant.
    — Sœurette, j’aime bien Jacques.
    — Moi aussi je l’aime bien. Il n’est pas jaloux pour un sou.
    — Son frère aîné l’est pour lui. Vous devriez prendre garde.
    — Ah ! Je me moque d’eux tous. Je suis meilleure que votre dame, moi. Ce n’est pas moi qui aurais le courage de tourmenter un homme comme elle vous tourmente. »
    Haguenier la regarda longuement et ne dit rien. Il ne lui eût pas reproché un seul amant ; mais elle en changeait souvent et ne se montrait pas difficile dans son choix.
    Elle comprit à sa façon ce reproche muet.
    « Eh bien, dit-elle, s’il m’arrive d’aimer au-dessous de mon rang, où est le mal ? Nous sommes tous de la côte d’Adam. Ce n’est pas parce qu’un homme est pauvre qu’il faut le mépriser.
    — Je ne dis pas, dit Haguenier, je ne dis pas. Mais il vaut peut-être mieux placer sa charité ailleurs ». Il ne fit pas d’autres reproches à sa sœur, se disant que seuls ceux qui sont purs ont le droit de juger. Et pur, il ne l’était pas, puisque après tout ce qui venait

Weitere Kostenlose Bücher