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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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vieux. »
    Il n’avait pas encore treize ans, et se fatiguait plus vite que les deux hommes, et eux ne voulaient pas en tenir compte, ils pensaient qu’il ne devait se plaindre de rien puisqu’il avait des yeux ; et ils étaient assez durs avec lui. Tant que Riquet avait été là, il ne s’en était pas rendu compte à ce point.
    Il pensait avec admiration à Riquet, qui avait su conquérir le cœur de la belle Maguelonne. « Si j’avais son âge ! » pensait-il. Il aurait pu rester alors, lui aussi. Il savait pourtant que des garçons de son âge connaissent aussi des femmes, parfois ; et il pensait que ce devait être là une chose enviable, et qui fait qu’on devient un homme et qu’on a une barbe au menton. Mais pour le moment il ne pouvait même pas y songer.
    Deux journées après Castres, à Saint-Papoul, il eut l’imprudence de laisser voir sa bourse en achetant du pain. Au coin de la rue, il y avait un gros gaillard à la joue enflée et aux petits yeux de souris, qui s’était mis à les suivre partout. Quand ils furent sortis de la ville, Auberi l’aperçut derrière eux sur la route, et la route était déserte, avec des vignes et des prés autour, pas même un petit bois pour se cacher. Il dit aux aveugles : « Il y a un homme qui nous suit qui me paraît louche, marchons plus vite. » Et alors l’homme se mit à courir, et les rejoignit en quelques minutes. Il avait un couteau à la main. Auberi dit à l’homme : « À quoi te sert de nous tuer ? prends la bourse. » Et il tendit sa bourse au bandit, qui remit son couteau dans sa poche et s’enfuit.
    Les trois compagnons n’eurent plus qu’à s’asseoir sur le bord de la route pour commenter l’aventure. Ils trouvaient que c’était encore heureux que l’homme ne se fût pas servi de son couteau. Mais à présent il fallait recommencer à mendier.
    Le lendemain, ils arrivèrent au pied d’une colline rocheuse et fort escarpée que dominait un château. Les murs du château étaient tout noirs et le toit du donjon effondré. Il avait dû brûler récemment et la pluie n’avait pas encore lavé les traces de suie. Mais au pied de la muraille, des quelques maisons du village à moitié brûlé lui aussi, des filets de fumée grise s’échappaient. Sur la pente derrière le rocher, un homme et une femme labouraient, attelés à une charrue.
    « Je sens la fumée, dit Ansiau, mais il me semble qu’il faut monter assez haut.
    — Moi, dit Bertrand, je ne monte pas. On est bien à l’abri du vent, ici ; si vous trouvez du pain là-haut, vous m’en apporterez en redescendant.
    — Mon seigneur, ce pays a l’air bien pauvre, les hommes d’armes ont dû y passer, dit Auberi.
    — Qu’ils ne nous donnent que du pain de son, c’est mieux que rien. »
    Et ils se mirent à contourner le rocher. Le sentier était étroit et si semé de grosses pierres que l’aveugle trébuchait tout le temps malgré son bâton. Ils débouchèrent sur le champ labouré, et de là Auberi put voir le village, avec son puits et sa petite église, noire de fumée elle aussi. Le bois qui couvrait le rocher était tout roussi, des taillis de ronces et de mûriers, tout noirs, se traînaient au pied des arbres morts. Sur un grand chêne-liège tordu par le vent, Auberi vit, pendu, le corps d’un homme ; un vautour, installé sur la branche au-dessus de la tête du pendu, battait des ailes pour chasser les corbeaux qui volaient autour.
    Auberi, effrayé, détourna les yeux, et courut à travers le champ, vers l’homme et la femme qui labouraient, entraînant derrière lui l’aveugle.
    Les deux paysans s’arrêtèrent, et l’homme quitta la charrue et fit quelques pas en avant. Et la femme mit ses mains en cornet devant sa bouche et se mit à pousser des appels stridents vers le village. Un vol de corbeaux effrayés se leva et se mit à tourner au-dessus du bois. Quelques enfants, deux jeunes gars et une femme en jupe retroussée sortaient des maisons pour courir vers le champ.
    Auberi, peu rassuré, fit un pas vers le paysan. « C’est pour une aumône, bonnes gens, dit-il, pour deux pauvres aveugles – l’un est là et l’autre est resté en arrière, nous n’avons rien mangé depuis hier.
    — Nous non plus, dit le paysan, on mange des herbes. Allez mendier ailleurs.
    — Bonnes gens, Dieu vous le rendra, insistait Auberi, juste un oignon et un peu de son, ce que vous pouvez. »
    Ansiau, debout, droit, attendait,

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