4 000 ans de mystifications historiques
promesses de l’amiral anglais Cowan de lui assurer l’appui du feu de son escadre. Mais Cowan ne tient pas sa promesse. C’est le premier acte du lâchage des Armées blanches par les Alliés. Trotsky parvient à tenir assez longtemps pour que la 15 e Armée rouge le délivre du siège de Ioudenitch.
Jusqu’alors, les Alliés se sont rangés aux côtés des Blancs, considérant que le coup des bolcheviques et leur retrait de la guerre équivalait à une défection. En août 1918, un contingent de sept mille cinq cents Américains sous les ordres du général Graves, un bataillon anglais et huit cents Canadiens, un bataillon d’infanterie et une batterie d’artillerie français, venus d’Indochine, avaient débarqué en Sibérie. Ils y avaient trouvé le général Pierre-Maurice Janin, ancien chef de la mission militaire en Russie, puis chef de la mission militaire franco-tchécoslovaque en décembre 1917, désormais chef nominal – mais totalement virtuel – de l’armée tchécoslovaque.
Ce dernier point appelle une explication : il existait dans l’armée russe une légion tchèque constituée par Kerensky avec des prisonniers ayant servi dans l’armée austro-hongroise ; elle comptait quarante-cinq mille hommes partagés en trois divisions et dans une situation tellement ambiguë qu’elle frisait l’absurde : ses chefs étaient des officiers russes blancs, mais assujettis à l’autorité toute symbolique du Conseil national tchèque, présidé par Tomas Masaryk, en exil à Londres.
Après la signature du traité de Brest-Litovsk, les bolcheviques étaient convenus que les Tchèques devaient être évacués, mais au lieu de les acheminer vers leur pays d’origine par l’ouest, comme c’eût été logique, ils avaient décidé de les rapatrier par Vladivostok, à l’extrémité de l’Asie. Étrange raisonnement, mais ce n’est pas la seule anomalie de cet épisode. Bref, ce fut à Vladivostok que les Tchèques devaient être pris en charge par les Alliés.
L’évacuation se faisait par le Transsibérien. À la gare de Tchelyabinsk, cette armée tchèque du bout du monde croisa des prisonniers austro-hongrois, eux aussi en cours d’évacuation ; ceux-ci insultèrent les Tchèques, qu’ils traitèrent de traîtres, et les horions dégénérèrent en empoignades. Des coups de feu éclatèrent. Les Gardes rouges qui surveillaient le Transsibérien intervinrent et sommèrent les Tchèques de se désarmer ; mal leur en prit. Les Tchèques les mirent en déroute et dévastèrent les garnisons rouges non seulement à Tchelyabinsk, mais tout le long du Transsibérien – à Novonikolaïevsk le 26 mai, à Penza le 27, à Tomsk le 31 et à Omsk le 6 juin. En 1927, des voyageurs témoignèrent que les traces de leurs saccages étaient encore visibles. Au bout de leur trajet, les Tchèques passèrent sous le commandement effectif de l’un des leurs, le général Jan Sirovy, et se joignirent aux troupes de l’amiral Alexandre Koltchak, commandant suprême des Armées blanches.
Quarante-cinq mille hommes de plus auraient été un gain appréciable pour Koltchak, n’eût été que les Tchèques jouèrent ensuite un rôle totalement hostile aux Armées blanches : soudain, ils bloquèrent le ravitaillement de celles-ci qui se faisait par chemin de fer. La raison de ce revirement était que, de Londres, leur chef virtuel, Tomas Mazaryk, pressait les Alliés de reconnaître le gouvernement bolchevique. Cruel retour des choses, son fils Jan, également président de la République de Tchécoslovaquie, se suiciderait trente ans plus tard, en 1948, après le coup d’État communiste à Prague.
La Grande Guerre n’était pas finie pour tout le monde, et on peut juger de ses développements incroyables, dont cette prise d’armes de Tchèques au milieu de l’Asie.
Mais le général Janin désapprouva, virtuellement, cette décision. Les vieilles méfiances ayant resurgi après l’armistice, Janin considérait, en effet, que Koltchak était « l’homme des Anglais ».
L’indécision, l’incohérence et l’impéritie des Alliés durant ces semaines cruciales pour le destin du monde ont été pudiquement gommées des livres d’histoire.
Tandis que le général Janin condamnait la jonction des Tchèques de l’ancienne armée impériale avec les forces blanches de Koltchak, son collègue le général Franchet d’Esperey, commandant en chef de l’armée d’Orient, envoyait des
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