4 000 ans de mystifications historiques
missions auprès des Armées blanches du Sud, sous le commandement des généraux Denikine et Alexeiev, pour leur promettre son soutien inconditionnel. Et le général Berthelot, commandant en chef des armées de Roumanie et de Transylvanie, promettait formellement l’envoi de douze divisions françaises et grecques qui occuperaient Odessa, Sebastopol, Kiev et Kharkov (où les bolcheviques avaient pris le pouvoir). Or, cette opération avorta lamentablement faute d’organisation : Franchet d’Esperey expliquera à Denikine qu’il avait dû évacuer Odessa et Sebas-topol à cause de l’impossibilité de ravitailler ces ports. Tel n’était cependant pas le sentiment des Anglais.
À Paris, cependant, Clemenceau défend le principe d’une intervention alliée auprès des Armées blanches. Il est soutenu par le Japon, mais mollement par l’Angleterre et encore plus mollement par le président américain, Woodrow Wilson, malade psychopathe, qui répugne à apporter son soutien à des « forces réactionnaires » et charge secrètement la Croix-Rouge américaine à Moscou de négocier avec les bolcheviques !
L’indiscipline dans l’état-major français est telle que des officiers supérieurs de la mission militaire française collaborent secrètement avec les bolcheviques et que le capitaine Sadoul, socialiste exalté, va leur offrir ses services (il sera jugé et condamné en France, par contumace).
L’Angleterre n’est guère plus résolue et, bien que des Américains se battent aux côtés des Japonais (bien plus nombreux) dans la Force expéditionnaire sibérienne, l’Amérique hésite à intervenir. Les Armées blanches occupent alors l’immense majorité du territoire russe et les bolcheviques ne représentent qu’une infime minorité cantonnée dans quelques villes. Il suffirait d’un appui militaire cohérent pour que la révolution d’Octobre ne demeure qu’un épisode dans l’histoire de la Russie et de l’Europe. Mais tout ce que les Alliés trouvent à proposer aux Armées blanches est de confier le commandement suprême à Kerensky, l’homme qui a démontré son impuissance face à la nation et qui est alors réfugié à Londres (il gagnera plus tard les États-Unis).
Pour les Armées blanches, cette proposition équivaut à un pied de nez. Le général Alexeiev envoie un émissaire au Premier ministre anglais Lloyd George pour lui signifier que, si Kerensky est nommé, il estimera de son devoir de renoncer à toute activité militaire ou politique.
Aucune décision n’est prise à Paris, Londres ou Washington. Les Alliés temporisent ; ils veulent conserver l’atout Koltchak, qu’ils ont pourtant laissé isoler par les Tchèques. Le cafouillage est total. Et la tragédie s’accomplit en quelques jours.
*
Le 1 er janvier 1920, les hauts-commissaires alliés en Sibérie adressent un message à Janin pour lui ordonner de veiller à la sécurité de l’amiral. Le 5, Janin adresse à son tour un message à Koltchak, lui enjoignant de se rendre à Irkoutsk dans un wagon du Transsibérien aux couleurs des Alliés. Janin ignore-t-il la situation ? Ne sait-il pas que les Tchèques contrôlent le Transsibérien ? Si, il agit en connaissance de cause. La preuve en est donnée par la lettre de Gaston Maugras, haut-commissaire français en Sibérie par intérim, à Millerand, ministre des Affaires étrangères, datée de Kharbine, le 24 janvier 1920 à 19 h 35 :
Je viens de recevoir du général Janin le télégramme suivant : « En ce qui concerne l’amiral, nous avons pu l’amener jusqu’à Irkoutsk sans qu’il fût massacré. En arrivant là, les Tchèques se trouvant en présence d’une importante concentration militaire, j’ai estimé que la mesure du possible était atteinte, et que je n’avais pas le droit de faire verser en son honneur le sang de quelques soldats tchèques, ce à quoi leur gouvernement ne m’avait pas autorisé. L’amiral a été remis aux commissaires du gouvernement provisoire comme il avait été fait pour le tsar que l’ambassadeur de France m’a personnellement interdit de défendre (54) . »
Résumons : Janin est chargé par ses supérieurs de la protection de Koltchak ; celui-ci est protégé par une importante concentration militaire, mais Janin, de sa propre initiative et d’elle seule, lui retire sa protection et celle des Alliés parce qu’il répugne à verser le sang de quelques soldats tchèques, n’y ayant pas été
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